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09 avril 2024

Dans le cadre d'une série de seminaires citoyens organisée par Frédéric Petit, Député des Français établis en Allemagne, Europe centrale et Balkans, Jean-Dominique Giuliani tiendra une conférence en ligne sur le sujet des grands défis auxquels l'Union européeenne fait face en vue des élections européennes.

La bonne gouvernance

Université d’été pour la démocratie du Conseil de l’Europe
12 juillet - Conférence III – “Directing action by the authorities : good governance”
Seul le texte prononcé fait foi


Depuis 2001 et le livre blanc de la Commission sur la bonne gouvernance, celle-ci est devenue une exigence de la part de la Commission pour tous les pays candidats à l’Union européenne.



Ainsi, l’expression « gouvernance européenne » désigne les règles, les processus et les comportements qui influent sur l'exercice des pouvoirs au niveau européen, particulièrement du point de vue de l'ouverture, de la participation, de la responsabilité, de l'efficacité et de la cohérence.



Ces cinq « principes de la bonne gouvernance » renforcent ceux de subsidiarité et de proportionnalité.



Dans son Livre blanc de la gouvernance européenne, la Commission définit la bonne gouvernance par la manière dont l'Union utilise les pouvoirs qui lui sont conférés par ses citoyens.



Elle s’ajoute à l’Etat de droit, au respect des droits de l'Homme, au respect des droits des minorités, au développement durable et à l’économie de marché pour former un corpus de valeurs communes aux Etats membres.



Loin d’être un simple principe administratif, la bonne gouvernance repose sur une nécessité réelle dans l’organisation multi-niveau de l’Union européenne. Elle va devenir une exigence plus forte à mesure que les citoyens accroissent leur besoin de s’informer et de se voir rendre des comptes.





1. La bonne gouvernance, un critère de l’adhésion à l’Union



a) De la gouvernance globale à la gouvernance européenne




Pascal Lamy dans un discours de février 2005



La gouvernance européenne : « Une interdépendance, à la fois, voulue, définie, organisée. » ou encore « une interdépendance suffisamment voulue et définie pour être organisée. »



« La concomitance de la volonté, du but à atteindre, et des institutions nécessaires »



« La construction européenne est en effet l’expérience de gouvernance supranationale la plus ambitieuse qui ait été tentée à partir de l’ordre existant au XIXè siècle, celui des Etats nations souverains au plan domestique. Et au plan international, celui du concert de ces mêmes Etats nations nouant ou dénouant alliances ou obligations au gré de leur volonté. La construction européenne comme laboratoire d’une gouvernance différente ».



« Principe fondamental de l’ordre démocratique : la gouvernance doit être de préférence locale et, si nécessaire seulement, prendre des formes plus éloignées des groupes humains qu’elle doit servir. L’intérêt général n’est général que s’il a besoin de l’être. C’est ce que Saint Augustin puis Althusius ont appelé le principe de subsidiarité.»



b) Le principe de bonne gouvernance et l’adhésion à l’UE



Pour que le principe de subsidiarité puisse être appliqué efficacement, il est indispensable que la structure étatique repose sur des principes de bonne gouvernance.



Transparence, primauté du droit, efficience et efficacité sont la condition du bon emploi des fonds structurels par exemple. Sans les structures adaptées pour gérer les programmes, ces fonds ne sont que de peu d’utilité.





c) D’où l’exigence de la Commission vis-à-vis des Etats candidats.



Les améliorations apportées dans le domaine de la bonne gouvernance sont étroitement liées à la sécurité et à la stabilité. Leurs objectifs sont l’ancrage de structures politiques et l’établissement d’institutions démocratique légitimes ainsi que la promotion de l’État de droit, du renoncement à la violence et des droits de l’homme. Les aspects économiques de la bonne gouvernance revêtent une importance toute particulière dans le contexte européen, c’est-à-dire l’existence d’instruments légaux bien définis, seuls à même de permettre le développement de l’économie privée et la lutte contre la corruption. L’épanouissement de la société civile et le développement des relations entre le citoyen et l’État méritent une attention toute particulière.


 



  • la création d’une école régionale d’administration publique a été jugée essentielle pour renforcer la bonne gouvernance par la formation d’une administration efficace, juste et transparente en Bulgarie.[1]

  • Le 21 décembre 2005, le Conseil a adopté des conclusions selon lesquelles les votes sur tous les actes législatifs adoptés selon la procédure de codécision devraient désormais être publics Conclusions du Conseil du 21 décembre 2005, « Améliorer l’ouverture et la transparence au Conseil » (doc. 15834/05). En revanche, la publicité des débats restera limitée au bon vouloir de la présidence du Conseil…

  • Le programme PHARE et l’Initiative Européenne pour la Démocratie et les Droits de l’Homme visent à soutenir le pluralisme politique, protéger les droits de l’homme et l’Etat de droit afin de renforcer la démocratie et le développement de la société civile. La Roumanie a bénéficié de ce programme notamment pour renforcer le maillage des ONG sur son territoire. Les ONG sont un élément essentiel du contrôle exercé par la société sur la bonne gouvernance, et de l’Etat, et de l’UE.

  • Dans son Rapport de suivi sur le degré de préparation à l’adhésion à l’UE de la Bulgarie et de la Roumanie publié le 16 mai 2006, la Commission souligne l’importance des réformes engagées par ces deux pays qui leur ont permis de transformer leurs systèmes économique et politique en des démocraties et des économies de marché viables. Cependant, malgré la signature des traités d’adhésion en avril 2005, l’entrée effective de ces deux pays dans l’UE est conditionnée par la résolution d’un certain nombre de problèmes en suspens. Ainsi, il est absolument indispensable de mettre en place un système judiciaire impartial, indépendant et efficace capable de lutter contre la corruption et la criminalité organisée car il conditionne le bon fonctionnement de l’ensemble de la société et de l’économie. Par ailleurs, la Bulgarie et la Roumanie doivent renforcer le contrôle financier en vue de l'utilisation future des fonds structurels et de cohésion. Les deux pays doivent donc poursuivre leurs efforts dans ce domaine et apporter au plus tard début octobre 2007 la preuve concrète des résultats obtenus

  • La Pologne a dû réformer l’ensemble de ses échelons administratifs pour pouvoir recevoir des fonds structurels :


Le 13 octobre 1998, une nouvelle Loi relative aux dispositions introduisant les lois réformant l'administration publique est adoptée et entre en vigueur le 1er janvier 1999.

Elle repose sur trois principes directeurs : le principe de subsidiarité, le principe de l'État unitaire et une division territoriale à trois niveaux : les gminas (communes), les powiats (districts) et les voïvodies (régions), les voïvodes étant les représentants du Conseil des ministres.



Cette réforme aboutit à la création d'un nouveau modèle territorial, ressemblant à ceux de la plupart des démocratiques européennes. Elle permet à la Pologne de répondre aux exigences de la Charte d'Autonomie Locale établie par le Conseil de l'Europe en 1993 et que la Pologne ratifie en 1994 ainsi qu'au droit communautaire, dans la perspective de l'adhésion à l'UE qui requiert un échelon régional pour la gestion des fonds structurels destinés à réduire les disparités régionales dans l'UE.



L'influence de l'UE sur la réforme du système administratif de la Pologne s'est manifestée de plusieurs manières :


  • par les aides de pré-adhésion, notamment avec le Programme PHARE, avec la création d'agences destinées à gérer les fonds européens et avec la mise en place de programmes de jumelage de fonctionnaires qui ont alors été influencés par les méthodes d'Europe de l'Ouest

  • par la conditionnalité inscrite dans les critères de Copenhague, notamment le critère politique consistant à mettre en place des « institutions stables garantissant l'état de droit, la démocratie, les droits de l'homme, le respect des minorités et leur protection »

  • par la perspective des fonds structurels, qui requéraient une gestion décentralisée.


Par ailleurs, sur le modèle de l'ENA française, une École supérieure d'administration publique a ouvert ses portes à Varsovie le 2 septembre 1991.



d) La bonne gouvernance critère de l’aide européenne au développement



Autrefois, l'UE retenait une définition assez étroite et technocratique de la gouvernance, la considérant surtout comme la gestion efficace et transparente des ressources par les institutions publiques. Au fil des ans cependant, la gouvernance est devenue un concept beaucoup plus vaste incluant les relations entre l'État et la société civile prises dans un sens large, la démocratisation et les droits de l'homme



La politique de développement ne consiste pas uniquement à favoriser l'éradication de la pauvreté dans les pays en développement et l'intégration de ces derniers dans l'économie mondiale. Elle doit également contribuer à la consolidation de la démocratie et de l'État de droit, ainsi qu'à l'objectif du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales.



Si l’aide au développement est fournie conjointement par l’Union européenne, les Etats-membres et d’autres organisations internationales, dans un souci d’optimisation et d’économie, l’action de l’UE est de plus en plus axée sur les domaines où elle dispose d’un avantage comparatif par rapport aux autres pourvoyeurs d’aide, comme c’est le cas notamment en matière de renforcement des capacités institutionnelles, et notamment de la bonne gouvernance et de l’Etat de droit.

De ce fait, dans sa déclaration du 20 décembre 2005 intitulée « Consensus européen pour le développement », l’Union européenne fait de la bonne gouvernance l’un des principaux objectifs de sa politique de développement, à côté de l’éradication de la pauvreté et du respect des droits de l’homme. La bonne gouvernance ainsi que l’Etat de droit sont en effet considérés comme des éléments essentiels dans la stratégie de lutte contre la pauvreté.



Tout accord de coopération avec l’UE et toute aide financière de l’UE comportent désormais une référence à la bonne gouvernance, qui inclut la lutte contre la corruption, ainsi qu’aux droits de l'homme, à la démocratie et à l'Etat de droit. En cas de non respect de la clause relative aux droits de l’homme, des sanctions peuvent être prises, sous forme de restrictions de l’accès aux marchés ou de la suspension, voire de l’annulation de projets d’aide.



Afin de soutenir la gouvernance dans les pays en développement, l’UE privilégie des approches adaptées aux spécificités de chaque pays. L’accord de Cotonou constitue néanmoins un outil de référence dans la mesure où il comporte un engagement pour la bonne gouvernance et prévoit un dialogue régulier ainsi que la participation des acteurs non étatiques. Par ailleurs, la Stratégie de l’UE pour l’Afrique, publiée en octobre 2005, prévoit également le renforcement de l’aide de l’UE dans les domaines de la bonne gouvernance, de la sécurité et de la paix, considérés comme des conditions essentielles à la réalisation des OMD (Objectifs du Millénaire pour le Développement).



2. L’enjeu de la bonne gouvernance : accroître la légitimité et l’efficacité de l’Union



La panne relative de l’Union européenne s’explique en partie par le besoin de transparence et de justification des actions entreprises par les institutions.



a) La relance de l’Union par la démocratie et la logique de la légitimité



Il nous semble que le vote du 29 mai sanctionne pour une part le fonctionnement même de l’Union européenne qui s’apparente à une « boîte noire » au sein de laquelle les décisions sont prises, parfois sans que les exigences de publicité et de transparence soient complètement remplies. Ce que les Français ont également sanctionné, à l’occasion du référendum, c’est l’insuffisante prise en considération des exigences démocratiques élémentaires quant aux mécanismes de prise de décision au niveau européen.


  • Le « déficit démocratique européen » renvoie sans doute davantage au sentiment des citoyens de ne pouvoir peser sur l’orientation des décisions prises par les différentes institutions communautaires. Plus concrètement, cela correspond au fait que le fonctionnement et la pratique institutionnels dans l’Union européenne méconnaissent encore certains éléments pourtant au cœur des exigences fixées par le régime démocratique moderne. Retenons ici, pour la clarté du propos, au mois trois formes prises le déficit démocratique :

  • le déficit d’information des citoyens vis-à-vis des enjeux et des questions qui sont traitées au plan européen et qui nourrit une « culture du soupçon », voire du complot parfois, à l’égard de l’ « Europe de Bruxelles », quand les citoyens découvrent les décisions une fois votées (par leurs représentants nationaux dans le même temps d’ailleurs) ;

  • le déficit de transparence de l’Union qui se traduit par un accès difficile aux travaux des institutions communautaires, comme l’atteste de manière exemplaire, le mode de fonctionnement jusqu’à présent opaque du Conseil des ministres de l’Union quand celui-ci siège comme législateur ;

  • le déficit représentatif qui constitue un obstacle de taille à l’identification de ceux qui sont en charge de la représentation des citoyens européens dans les différentes institutions communautaires (comme peut l’illustrer l’absence d’un Président du Conseil européen, prévu par le traité constitutionnel européen).


 

Que faut-il faire afin de combler ce « déficit démocratique » et permettre enfin aux citoyens de se réapproprier les enjeux européens ? Sans bien sûr prétendre régler un problème qui dépasse largement le seul aspect institutionnel, plusieurs pistes mériteraient d’être approfondies pour qui souhaite arrimer les peuples au projet européen.


  • La première voie, bien connue désormais, consisterait à introduire les principes de transparence et de publicité au Conseil des ministres de l’Union européenne quand il siège comme législateur aux côtés du Parlement européen ; l’ouverture des sessions du Conseil au public dépend simplement d’une modification de l’article 5(1) du règlement intérieur du Conseil ; de surcroît, une telle modification peut être adoptée à la majorité simple des voix au Conseil des Affaires générales[1] et ne nécessite pas la ratification d’un traité supplémentaire. Or la publicité des débats (pas seulement des votes) permettrait aux journalistes de faire leur travail d’information auprès des citoyens sur les sujets et les textes qui sont débattus par le Conseil des ministres.  Cela permettrait aussi de lutter contre le discours du « transfert de responsabilité » du niveau national vers le niveau européen qui prospère grâce au maintien d’un tel fonctionnement opaque, discours qui produit tant de dégâts, la critique de « Bruxelles » comme bouc émissaire permettant à maints gouvernements nationaux de ne pas assumer leurs propres responsabilités (Cf. la directive « services »).

  • Le nécessaire renforcement du rôle des parlements nationaux. Là encore, cette proposition peut être mise en œuvre hors traité.  La valeur ajoutée que peuvent apporter les parlementaires nationaux ne réside peut-être pas tant dans un contrôle technique des projets de normes communautaires, que dans une approche politique des questions européennes. A cet égard, la formule de la convention a fait ses preuves, en réunissant dans une même enceinte des légitimités complémentaires : parlementaires nationaux, députés européens, représentants des gouvernements et membres de la Commission européenne. A ce jour, deux conventions ont été formées : l’une en 1999 pour élaborer la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’autre en 2002-2003 pour rédiger un projet de traité constitutionnel. A la lumière de ces deux expériences réussies, et indépendamment des difficultés rencontrées lors du processus de ratification de la Constitution européenne, le recours plus fréquent à des conventions ad hoc, sur des sujets qui suscitent des difficultés politiques, favoriserait incontestablement la recherche de compromis conformes à l’intérêt général européen. De telles conventions spécialisées pourraient être convoquées par le Conseil européen qui leur délivrerait le mandat, non pas de décider, mais de dégager des propositions sur des orientations majeures de la construction européenne. Du modèle social européen aux perspectives financières de l’Union, les thèmes ne manquent pas. Voici une façon positive d’associer les parlementaires nationaux à l’Europe, en bonne intelligence avec le Parlement européen, tout en résistant à la tentation facile visant à cantonner les parlements nationaux dans le rôle défensif du seul contrôle du principe de subsidiarité. Il faut rompre avec une logique négative d’opposition pour faire des parlementaires nationaux une force de proposition.



  • Il existe une troisième modalité de démocratisation de l’Union européenne qui réside dans la mise en question d’un dogme : le monopole de l’initiative législative de la Commission dans le premier pilier, dit communautaire, qui touche aux politiques communes européennes (transports, énergie, agriculture, environnement, etc.). Dans ces domaines, le collège bruxellois détient seul le pouvoir exclusif de proposer les lois européennes (les directives et les règlements), ce qui peut être considéré comme une « anomalie » au regard des exigences démocratiques au fondement du régime représentatif moderne dans lequel les organes exécutif et législatif partagent le pouvoir de proposer les projets (quand il s’agit d’une initiative gouvernementale en France) ou les propositions de loi (quand il s’agit d’une initiative parlementaire). Bien qu’en pratique, la quasi-totalité des lois votées en France sont d’origine gouvernementale, il serait délicat, pour dire le moins, de priver le Parlement (à l’Assemblée nationale et au Sénat) de ses prérogatives en la matière. Il faudrait donc un partage de l’initiative entre d’un côté la Commission, qui certes conserverait cette prérogative, et de l’autre les parlementaires européens et les gouvernements des Etats membres de l’Union européenne, sous la forme par exemple d’un droit d’initiative conjoint entre ces deux branches du pouvoir législatif européen. Ce changement nécessiterait à l’évidence un nouveau traité.


 

Principes de La bonne gouvernance


  • L'obligation de rendre compte : les administrations publiques sont capables et désireuses de montrer en quoi leur action et leurs décisions sont conformes à des objectifs précis et convenus.

  • La transparence : l'action, les décisions et la prise de décision des administrations publiques sont, dans une certaine mesure, ouvertes à l'examen des autres secteurs de l'administration, du Parlement, de la société civile et parfois d'institutions et d'autorités extérieures.

  • L'efficience et efficacité : les administrations publiques s'attachent à une production de qualité, notamment dans les services rendus aux citoyens, et veillent à ce que leurs prestations répondent à l'intention des responsables de l'action publique.

  • La réceptivité : les autorités publiques ont les moyens et la flexibilité voulus pour répondre rapidement à l'évolution de la société, tiennent compte des attentes de la société civile lorsqu'elles définissent l'intérêt général et elles sont prêtes à faire l'examen critique du rôle de l'Etat.

  • La prospective : les autorités publiques sont en mesure d'anticiper les problèmes qui se poseront à partir des données disponibles et des tendances observées, ainsi que d'élaborer des politiques qui tiennent compte de l'évolution des coûts et des changements prévisibles (démographiques, économiques, environnementaux, par exemple).

  • La primauté du droit : les autorités publiques font appliquer les lois, la réglementation et les codes en toute égalité et en toute transparence.