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09 avril 2024

Dans le cadre d'une série de seminaires citoyens organisée par Frédéric Petit, Député des Français établis en Allemagne, Europe centrale et Balkans, Jean-Dominique Giuliani tiendra une conférence en ligne sur le sujet des grands défis auxquels l'Union européeenne fait face en vue des élections européennes.

Les conséquences de la crise sur les institutions européennes

Discours prononcé à l'occasion de la réunion du Conseil de coopération franco-néerlandais

Ministère des Affaires étrangères

 Avec le Traité de Lisbonne, l’Union européenne s’était juré de ne plus toucher à ses institutions pour longtemps. Deux ans après son entrée en vigueur, deux nouveaux traités ont été négociés et celui tendant à ratifier l’adhésion de la Croatie sera aussi l’occasion de modifications institutionnelles.


C’est peu dire que d’affirmer que la crise économique et financière aura des conséquences durables sur les institutions européennes, au point que certains en sont parvenus à considérer que l’Union traverse, en réalité une double crise, économique et institutionnelle. C’est l’ensemble de sa gouvernance qui est en cause.


 



 




 



 



 




1 – Des difficultés institutionnelles récurrentes



 Elles sont dues aux incertitudes des traités, à des pratiques institutionnelles discutables et, bien évidemment, aux circonstances très particulières que nous traversons.


 




Les incertitudes du traité



 




La crise est survenue alors que le traité de Lisbonne inaugurait de nouvelles institutions, notamment un Président stable du Conseil européen et un Haut Représentant pour la politique extérieure et de sécurité commune. Le traité n’a pas facilité la tâche des titulaires des deux nouvelles fonctions.




Le Conseil européen a souhaité mieux organiser ses travaux en confiant à un Président permanent la convocation, la préparation et l’animation de ses réunions, traduisant en cela un rééquilibrage des institutions en sa faveur. Mais le traité reste assez vague sur son statut et le Président dispose seulement d’un cabinet de 18 personnes et n’a autorité sur aucun service, ni ceux du Conseil, ni ceux du service diplomatique commun.




 



 




Si M. Herman Van Rompuy s’est, de l’avis général, acquitté de sa tâche première avec beaucoup de savoir-faire, il n’a pas incarné pour autant, véritablement l’ensemble des Etats membres à l’extérieur, faute de dispositions du traité le lui permettant. Dans la pratique, une certaine confusion n’a pas manqué de s’instaurer avec le président de la Commission européenne, habitué à participer, voire à animer, la plupart des rencontres avec les pays tiers.



La Haute Représentante, quant à elle, dépend à la fois du Conseil et de la Commission, dont elle est es-qualité vice-présidente. Cette volonté des Etats membres de ne pas « communautariser » la politique extérieure, qui relève, il est vrai de la souveraineté par excellence, a été violemment combattue par le Parlement européen qui a fait cause commune avec la Commission pour que celle-ci garde nombre de responsabilités extérieures et reste ainsi sous le contrôle du Parlement. Quatre commissaires au moins exercent des responsabilités que le simple bon sens aurait normalement regroupées sous la houlette de la personnalité en charge de l’action extérieure : Elargissement et politique de voisinage, « coopération internationale, aide humanitaire et réactions aux crises », développement, commerce. Chargée de constituer un service européen d’action extérieure, embryon d’une diplomatie commune, Mme Ashton en est réduite à l’action diplomatique stricto sensu, sans les moyens de la Commission qui distribue près de 12 milliards € par an d’aide extérieure.


Partagés entre la poursuite de l’expérience communautaire, qui réserve toujours à la Commission et désormais au Parlement une place de choix dans la gestion et le contrôle du budget, et la volonté faire progresser une politique étrangère commune, elle se trouve dans une situation complexe, dont la pratique n’a pas corrigé les défauts.




Des pratiques discutables



 




Nul n’ignore, dans les couloirs de Bruxelles, la véritable « course à l’échalote » qui se déroule entre les présidents de la Commission et du Conseil européen. Après quelques ratés spectaculaires, les deux responsables ont finalement décidé de se déplacer à l’extérieur ensemble, parfois accompagnés de la Haute Représentante, voire du représentant duu pays qui assure la présidence tournante. Depuis l’instauration de cette généreuse représentation, l’Union n’a enregistré aucun succès diplomatique notable ; elle a plutôt comptabilisé les échecs, comme le sommet UE-Ukraine du 19 décembre



[1], qui a paru légitimer le pouvoir oligarchique ukrainien sans obtenir la libération des opposants emprisonnés. Le « trop plein de présidents » n’a pas renforcé l’efficacité de l’Union sur la scène internationale. Il l’a affaibli.


Le malaise de la Commission, qui se sent mise en cause par les Etats membres, est en partie la source de cette guerre administrative qui agite Bruxelles. L’Exécutif européen est à la fois jaloux de ses prérogatives et désireux de conserver son rôle ancien, y compris dans les nouvelles compétences attribuées à l’Union, persuadé d’incarner à lui seul la méthode communautaire. Mais il est affaibli par une conjonction de décisions et de traités qui lui sont défavorables, ainsi que par « la surprise de la crise ». Le traité de Nice, qui a institué un commissaire par Etat membre, a modifié la nature du Collège, qui n’est plus l’incarnation de l’intérêt général européen, mais une assemblée trop nombreuse de personnalités diverses, représentant davantage des expériences particulières, voire leur Etat d’origine.


 



La réforme dite Kinnock, initiée après la démission de la Commission Santer par un commissaire britannique qui a appliqué des préceptes des années 70 à un corps de fonctionnaires de très haut niveau accoutumés à une large marge de manœuvre, a eu pour effet de diluer la responsabilité vers les directions générales, désormais peu portées à l’initiative et la souplesse. Il n’est pas un pays de l’Union où les procédures de la Commission ne soient pas l’objet de critiques pour leur lenteur et leur caractère bureaucratique. Les Commissaires sont encadrés par des cabinets obligatoirement composés d’un certain nombre de fonctionnaires, eux-mêmes soumis à un Secrétariat général qui exerce, au nom du président, l’essentiel du pouvoir administratif. Le traité de Lisbonne a voulu consacrer le rôle déterminant du président de la Commission en espérant qu’il incarne une vision à long terme de l’Union ; celui-ci a été confisqué par le pouvoir administratif et juridique d’un secrétariat général omnipotent.



 




Enfin, loin de jouer le jeu du nouveau traité, la Commission et son président n’ont eu de cesse que de se battre contre tout développement des actions de l’Union par de nouvelles instances, par exemple nouveau service diplomatique commun, où les fonctionnaires de la Commission ont d’emblée été les plus nombreux, avant de revenir massivement (plus de 100 agents) vers la Commission dont les services à vocation extérieure ont recommencé à s’étoffer, faisant double emploi, voire concurrence, au nouveau service.



 Catherine Ashton, pour sa part, a essuyé de violentes critiques, dont les plus récentes se sont traduites par l’envoi d’une lettre commune de 12 Etats membres au mois de décembre 2011, présentant des « suggestions pour améliorer le fonctionnement du service diplomatique européen ». Les événements internationaux ne l’’ont pas servie. Les révolutions arabes et la guerre en Libye ont vu les Etats membres agir en ordre dispersé. Ni la Russie, ni l’Ukraine, ni la Turquie et Chypre, ni l’Iran, n’ont permis une percée de la diplomatie européenne. Une exception notable doit être relevée, s'agissant des relations enfin établies  entre la Serbie et le Kosovo, qui doit beaucoup à l’action de l’un de ses conseillers, Robert Cooper.


La pratique des principaux acteurs bruxellois de l’Union n’a pas facilité la mise en œuvre du traité, tant ils ont privilégié la défense de leur propre institution et de leurs prérogatives, ne manquant aucune occasion d’empiéter celles des nouveaux venus, le président de la Commission n’étant pas le dernier en poursuivant ses tournées internationales et n’ayant de cesse que de veiller sur la formulation des communiqués du Conseil européen afin qu’ y soit bien mentionné le rôle de la Commission. Pendant ce temps, comme souvent, les circonstances prenaient leur revanche et la crise imposait son agenda.


 




Des circonstances très particulières



 




La crise financière, puis celle de la dette publique, ont occupé l’essentiel de l’actualité depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Compte tenu du caractère inachevé de l’Union, il était normal que les Etats fussent à la manœuvre et le Conseil européen s’en est trouvé renforcé. Il s’est réuni pas moins de 14 fois, soit presque le double du nombre d’opportunités minimales prévues dans le traité. Les chefs d’Etat et de gouvernement, qui ont aussi souhaité se réunir 5 fois entre membres de la zone euro, ont littéralement pris en mains la réponse aux crises. C’était naturel en 2008 et 2009 lorsqu’il a fallu mobiliser des moyens financiers nouveaux pour éviter l’embolie du système financier mondial, puis soutenir l’économie européenne ; c’est devenu la règle en 2010 et 2011, puisqu’il s’agissait alors de mobiliser des ressources financières nouvelles, de décider la modification des traités et de la faire ratifier par les parlements nationaux. C’est même au président permanent du Conseil européen qu’il a été demandé de préparer les nouveaux textes. La Commission, pour la première fois, s’est trouvé marginalisée.



 




De même, en matière internationale, les Etats membres ont abordé en ordre dispersé les bouleversements survenus dans le monde arabe, les institutions communes se contentant de donner une suite financière à leurs engagements ou de rendre publiques des déclarations. A aucun moment, les institutions européennes n’ont paru anticiper des évolutions probables, y compris dans le domaine des politiques, dont la gestion est assurée par elles, comme l’agriculture.



Le Parlement s’est ému de l’action des Etats, notamment du leadership franco-allemand, ne manquant pas de critiquer le caractère intergouvernemental des décisions prises. Malgré des prérogatives accrues et un travail législatif de qualité, qui a donné lieu à l'adoption de 258 textes, il a continué à adopter des vœux (667). De facto, le triangle institutionnel traditionnel s’est trouvé transformé par l’action du Conseil européen. Celui-ci s’est même réduit au couple franco-allemand au sein duquel l’essentiel des dispositifs de réponse à la crise ont été élaborés par les administrations nationales, démontrant la nécessité d’un Trésor européen disposant des compétences et doté d’un ministre agissant et communiquant de manière unique.


Les circonstances ont bouleversé les schémas patiemment élaborés et ont remis en cause un certain nombre de certitudes européennes considérées comme acquises.



 



 




II – De graves défaillances dans la gouvernance



 




L’Union était plus formatée pour les périodes de vents calmes que pour les tempêtes et deux seules institutions semblent émerger de la bourrasque, le Conseil européen et la Banque centrale. L’efficacité de celle-ci s’est révélée quand elle a été contrainte de prendre, dans l’urgence, des libertés avec les traités pour appuyer les efforts de lutte contre la crise. L’on doit souhaiter le renforcement de ses prérogatives et de ses capacités d’intervention. Mais elles ne sauraient être envisagées qu’après des avancées notables vers une réelle gouvernance économique de l’Union. Le Conseil européen, bien que laborieux, a su quand même prendre des décisions considérables.



 




Dans le domaine économique au moins, l’Union a besoin de renforcer sa capacité de décision, de clarifier sa représentation et de répondre à des interrogations démocratiques légitimes.





La décision



 




La crise a montré qu’elle devait être rapide. Or le double système de représentation des Etats et des peuples interdit cette exigence, de surcroît quand le nombre d’entre eux ne cesse de s’accroître. Pour faire face à la défiance des investisseurs, seul un pouvoir centralisé dispose de la capacité de réaction nécessaire. La gouvernance économique doit donc se muer en gouvernement économique, véritable pendant de la Banque centrale.



La Commission devrait normalement assurer ce rôle, sous le contrôle d’un pouvoir législatif composé du Parlement et du Conseil. Force est de reconnaître qu’elle ne semble pas en mesure de l’assumer, du fait de sa composition, voire, selon certains, de son absence de vision et d’engagement politique, en tous cas de la faiblesse de ses moyens. Les critiques qui lui sont adressées portent à la fois sur son mode fonctionnement et, de plus en plus, sur le fond de sa politique.



Au titre du premier on peut évoquer, par exemple, sa communication. En choisissant de s’exprimer par l’intermédiaire de porte-paroles et de le faire tous les jours à midi, la Commission a voulu faire œuvre de transparence ; il n’en a résulté que des erreurs. Les Commissaires devraient seuls prendre la parole au nom du Collège et ils ne devraient le faire que lorsqu’ils ont quelque chose à annoncer, qui relève de choix opportuns et non le seul  business as usual du travail communautaire. Ainsi, en pleine crise de la dette souveraine, apprend-on coup sur coup de la Commission, le 14 novembre, que onze Etats membres risquent d’être traduits en Cour de Justice début 2012 si 51 millions de « poules pondeuses ne disposent pas d’au moins 750 cm², d’un nid et d’un perchoir »!


Enfin, on ne compte plus les déclarations anxiogènes de la Commission et même de son président qui, tout au long de l’été, n’ont pas cessé d’aggraver la crise de confiance qui s’était déclenchée sur les marchés financiers, faisant immédiatement monter les primes d’assurances des CDS[2] et les taux d’intérêt[3]. Dans la crise, la communication de la Commission est devenue quasi-exclusivement négative, ne cessant d’adresser à l’intérieur des messages punitifs, sans considération de leurs effets extérieurs, dont le premier est de nourrir les doutes sur l’économie européenne.


Sur le fond, malgré quelques efforts louables, le Collège s’arc-boute souvent sur des principes juridiques dont l’application en temps de crise est préjudiciable. La politique de concurrence fait toujours l’objet d’une interprétation restrictive qui se limite au marché européen alors que la plupart des grandes entreprises européennes sont devenues des acteurs mondiaux. L’impératif de régulation, qui s’est même imposé aux Etats-Unis, se heurte en permanence aux gardiens vigilants du marché unique.


D’autres politiques européennes, comme la politique commerciale, l’aide au développement ou les fonds structurels ont été « sanctuarisées » et déclarées intouchables par une alliance entre le Parlement et la Commission et leurs réformes paraissent impossibles, voire lointaines. Ainsi le principe de réciprocité dans les règles des marchés publics ne trouve-t-il toujours pas d’application législative interne au sein de l’Union, malgré sa reconnaissance par l’Organisation mondiale du Commerce. L’aide au développement européenne continuera à profiter à la Chine, à l’Inde ou à l’Afrique du Sud. Les fonds structurels du budget 2007-203 n’ont été dépensés qu’à concurrence de 25% en moyenne, alors qu’une politique de soutien à la croissance n’a jamais été autant nécessaire.


 




Par ailleurs l’élargissement de l’Union en a accru l’hétérogénéité, autorisant les acteurs financiers à jouer sur les différences entre Etats membres. Ainsi est née la crise de la dette souveraine. Pour en sortir, l’Union sera-t-elle condamnée à instaurer une Europe à plusieurs vitesses ?  Faute d’initiatives et de propositions audacieuses et crédibles de la Commission, les membres de la zone Euro ont ainsi décidé de se réunir régulièrement et de se doter d’un président et d’un secrétariat, préfigurant ainsi une nouvelle organisation possible de l’Union.



 




Par voie de conséquence, les principales décisions prises au niveau européen pour faire face à la crise et renforcer la gouvernance, proviennent toutes exclusivement du Conseil européen : semestre européen, « six packs », pacte Euro Plus (25 mars) et Mécanisme européen de Stabilité, ont été présentées à la demande du Conseil européen



[4]. A tel point que nombre d’interrogations sur le maintien du monopole de l’initiative législative de la Commission ont commencé à être publiquement exprimées[5].


 



 




La représentation



 




L’absence d’unité de direction s’est traduite pour l’Union par une absence d’unité de représentation au niveau international alors que l’un des objectifs du traité de Lisbonne était de renforcer sa place et son rôle sur la scène mondiale. On doit constater ici un échec évident.



 




La représentation du Conseil européen doit aussi être assurée devant le Parlement, mais Herman van Rompuy a été économe de ses apparitions au Parlement, qui doit déjà entendre le président de la Commission pour un discours annuel sur l’état de l’Union auquel il tient, ou, à chaque semestre, le chef du gouvernement qui assure la présidence tournante du Conseil.




La présidence tournante a été maintenue pour permettre à tout Etat européen, notamment les plus récents adhérents, de « chausser des lunettes européennes » pour présider plusieurs sommets avec des tiers, animer plus de 200 comités de toute nature, présider les dix formations ministérielles du Conseil et assumer les négociations avec le Parlement. Cet exercice diplomatique à vocation pédagogique est utile pour qu’un pays se mette aux couleurs de l’Union pendant six mois, communique chez lui sur l’intégration européenne et, à Bruxelles et à Strasbourg, fasse sa publicité et celle de ses produits. Mais du point de vue de la gouvernance de l’Union, elle est réellement contreproductive.


Enfin, le Parlement et la Commission s’entendent pour défendre la méthode communautaire face au Conseil européen. Cette démarche, a priori compréhensible, est apparue largement illégitime face à l’urgence de la crise. Elle a affaibli l’Union sur la scène internationale en s’en prenant aux Etats membres qui assument financièrement le sauvetage des Etats en difficulté et a accru l’incertitude sur les évolutions attendues de la gouvernance économique de l’Union[6].


 



 




L’adhésion populaire ou la démocratie



 




 



 



 




Le système de gouvernance imaginée par le traité de Lisbonne est un obstacle à l’adhésion des citoyens à la dimension européenne. En revanche, les Parlements nationaux saisissent de plus en plus la Commission, qui est tenue de répondre aux propositions ou aux réactions des parlements. En 2011, plus de 500 avis ont été ainsi transmis par les parlements nationaux, soit 30% de plus qu’en 2010.



[7]


Si l’Union reste le niveau pertinent préféré des Européens pour faire face à la crise (22%), elle est désormais talonnée par les gouvernements nationaux (20%), le FMI (15%) et les Etats-Unis (14%) et la confiance dans l’échelon communautaire recule, du fait de ces défaillances de gouvernance[8]. Le sentiment d’appartenance à l’Union et le manque d’identification à ses responsables, nourrissent une défiance renforcée par la crise. Dans la crise, la gouvernance de l’Union ne convainc pas et s’éloigne des citoyens, ce qui contribue à affaiblir l’Union et sa crédibilité.


De surcroît, avec le nouveau traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (fiscal compact), l’Union aborde des questions qui relèvent des souverainetés nationales (Budget et fiscalité) et qui ne font pas consensus parmi les 27.


En renforçant sa gouvernance économique, l’Union doit organiser de nouveau partage (transferts) de souveraineté, qui ne peuvent être acceptés qu’avec une légitimité démocratique renforcée. Celle du Parlement européen a été mise en cause par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe qui pointe, à juste titre, les défauts de représentativité du Parlement au sein duquel un électeur allemand est 8 fois moins représenté qu’un électeur luxembourgeois. En l’absence de réforme de la composition du Parlement, c’est donc vers les parlements nationaux que seront obligés de se tourner les gouvernements en quête d’une légitimité financière. Autant de difficultés qui laissent entrevoir une Union européenne bien différente.


 




III - Quelles évolutions possibles ?



 




Dans la crise et malgré sa lenteur, l’Union a réformé sa gouvernance économique, plus que tout autre ensemble politique dans le monde. Pour autant le travail n’est pas achevé et les efforts à mettre en œuvre désormais – fiscalité, politique économique commune – vont entraîner des bouleversements encore plus importants.



La vieille querelle entre méthode communautaire et travail intergouvernemental semble largement dépassée par l’ampleur des rapprochements à réussir. Ils exigeront à la fois le respect des processus démocratiques – l’engagement des Etats – et des mécanismes et institutions communautaires plus stratégique, plus efficaces, qui développent une action plus « politique » au sens le plus noble du terme, c’est-à-dire qui répondent aux nouveaux défis (concurrence internationale, immigration, sécurité, gestion économique).



Les Pères fondateurs de l’Europe avaient choisi le pragmatisme de la mise en commun des intérêts économiques sans mettre en cause les attributs fondamentaux de la souveraineté des Etats membres. Peut-être faudrait-il en revenir à cette démarche et se concentrer sur l’urgence d’une gouvernance d’abord économique, en ne cherchant pas à poursuivre trop d’objectifs à la fois, comme par exemple une diplomatie et une défense communes, qui paraissent bien lointaines.


Les vraies questions portent désormais sur le contenu de la « souveraineté partagée » en matière fiscale et budgétaire. On pressent des tensions fortes vers une géométrie variable. Le pacte Euro plus n’a pas été signé par la Hongrie, la Suède, le Royaume-Uni et la République tchèque et ne rassemble que 23 Etats membres. Le traité d’Union budgétaire le sera, dans le meilleur des cas, à 25. Les sujets que l’Union devra traiter vont créer de nouveaux clivages, qu’il sera difficile de dépasser. L’une des évolutions possibles – et peut-être souhaitables – conduiraient les plus décidés à renforcer leur intégration fiscale et budgétaire au sein d’un ensemble plus vaste qui se limiterait au grand marché. Est-ce acceptable longtemps et surtout cela peut-il fonctionner durablement ?


Les institutions de l’Union sont donc en cause et devront démontrer leur capacité à prendre des décisions rapides, à les appliquer et à en contrôler la mise en œuvre, ce qui conduit naturellement à la création de nouvelles procédures de type fédéral, pour des objets limités. Mais, dans le même temps, elles devront faire la preuve de la pertinence de leurs règles de fonctionnement, ce qui exigera de profondes réformes. C’est, notamment le cas de la Commission, qui ne peut en aucun cas se concevoir comme une organisation internationale de plus, mais bien comme un organe politique.  Dans le cas contraire, l’effacement de la Commission serait durable et une Europe à plusieurs vitesses ne manquerait pas d’apparaître plus légitime


Les institutions communes devront aussi être capables d’imaginer un lien plus fort entre les citoyens et les décideurs, ce qui interpelle le Parlement.


Cela entrainera aussi, tout naturellement, un ralentissement du rythme et du cours de l’élargissement, qu’il serait déraisonnable de poursuivre tels quels.


 




Tout ceci nécessitera vraisemblablement un effort nouveau de créativité. L’Union peut en tirer un grand profit par de nouvelles avancées dans son intégration, comme peuvent en résulter de grands dangers vers un relâchement des liens noués depuis 62 ans.



 




&







[1] Kiev le19 décembre 2011 - 18835/11 - PRESSE 513




[2] Credit default swap : couvertures de défaillance ou contrats de protection financière, par exemple entre acheteurs et vendeurs de titres de dette d’un Etat.




[3] Statement by President Barroso on the euro area sovereign bond markets Référence:  MEMO/11/546    Date:  03/08/2011. Olli Rehn European Commissioner for Economic and Monetary Affairs Ongoing developments in the eurozone Press Conference Brussels, 5 August 2011 Référence:  SPEECH/11/540    05/08/2011


 





 












[4] Par exemple : Déclaration du Président Barroso et du Commissaire Rehn sur les propositions faites aujourd'hui par le Président Sarkozy et la Chancelière Merkel Référence:  MEMO/11/557 - 16/08/2011


 




[5] Panayotis Soldatos, Protéger l’initiative législative de la Commission européenne, 8 novembre 2011, chronique paru sur www.fenetreeurope.com




[6] José-Manuel Barroso, discours sur l’état de l’Union. Strasbourg le 28 septembre 2011. Speech/11/607




[7] Maroš ŠEFČOVIČ Vice-President de la Commission européenne, responsable des Relations interinstitutionnelles et de l’administration Two years after Lisbon: The Commission’s view Conference  Brussels, 1er décembre 2011




[8] Etude Eurobaromètre n°75 – Août 2011