Sehr geehrte Damen und Herren,
Es ist mir eine große Ehre, als einziger Franzose zu Ihnen über Europa zu sprechen. Ich möchte mich ganz herzlich für Ihre Einladung bedanken.
Übermorgen, am 9. Mai, feiern wir den sechzigsten Jahrestag der „Schuman-Erklärung“, die den Weg für das europäische Aufbauwerk bereitet hat. Als Präsident der Robert-Schuman-Stiftung und Beobachter der europäischen, und im Besonderen der deutschen und französischen Politik möchte ich mich in meinem Referat unter anderem auch auf die Vision Europas von 1950 beziehen.
Es berührt mich sehr, dass Sie mir gestatten, nun auf Französisch fortzufahren.
Nous avons hérité des Pères fondateurs de l’Europe, aux premiers rangs desquels je place Konrad Adenauer et Robert Schuman, des biens très précieux : la paix, la liberté, la prospérité et la coopération entre nos Etats.
Ce ne fut pas toujours facile pour eux.
Ils ont pris de grands risques politiques contre la logique, contre les règles politiques de l’époque.
Ils ont réussi parce qu’ils ont été formidablement courageux et ont su s’affranchir du quotidien politique, de ce qui paraissait alors politiquement et juridiquement possible, ils se sont affranchis même des sentiments nationaux dominants de l’époque. Et la magie d’alors c’est que, leurs peuples se sont finalement ralliés à leur vision et les ont soutenus.
Nous avons géré cet héritage, leur héritage, et je crois que nous pouvons être fiers du travail accompli.
Beaucoup de leurs rêves de l’époque sont aujourd’hui des réalités.
Nous en avons beaucoup profité sur les plans économique, diplomatique et politique y compris de politique intérieure dans nos pays.
Mais ce que nous voyons aujourd’hui c’est que l’histoire s’est accélérée si vite que parfois nous oublions d’où nous venons.
La réunification de l’Allemagne et du continent n’est pas si ancienne. Elle est une joie incommensurable et le niveau de prospérité auquel l’Europe est parvenu est une réalité qui était impensable dans l’Europe de 1950.
Ce qui a été réalisé est considérable et sans le processus interrompu d’intégration, nos économies aujourd’hui ne seraient pas ce qu’elles sont. Certes, aujourd’hui des bouleversements sont à l’œuvre dans le monde, à mon avis aussi considérables qu’à cette époque, mais différents. Ces bouleversements sont pacifiques, largement économiques, mais, en réalité, totalement politiques, comme le prouve la crise grecque qui nous a obligés dans l’urgence à changer nos règles, à réagir, pour préserver l’Euro et l’Union européenne. Et je crains que, dans le futur, dans ce Monde incertain et si rapide, d’autres alertes de même nature viendront nous interpeller et poseront tous les problèmes juridiques et constitutionnels que vous connaissez.
Aussi la question que je voudrais poser en essayant d’être très précis est la suivante : «Sommes-nous, dans ces événements, fidèles au message des Pères fondateurs ?
Sommes-nous capables aujourd’hui, comme ils l’ont fait, d’imaginer des évolutions invraisemblables et de faire des choix aussi audacieux, avec autant d’esprit visionnaire, pour nos enfants et petits enfants ?
A observer l’Europe d’aujourd’hui, on peut parfois douter de notre capacité visionnaire. L’Union à 27, c’est le 1er PIB du monde, nous n’avons pas été en mesure, à Copenhague, de faire partager par nos grands partenaires mondiaux nos objectifs environnementaux qui décideront de l’avenir de la planète. Bien plus, nous sommes affectés par une crise économique et financière née ailleurs, à cause de pratiques financières excessives que nous réprouvons chez nous.
Un simple nuage de cendres volcaniques paralyse 140 000 vols d’avions pendant 5 jours faute d’avoir accepter un contrôle aérien commun.
Nos hésitations devant la situation d’un pays, certes coupable, la Grèce, mais qui rassemble seulement 2% de la population européenne, nous conduit à ouvrir notre porte-monnaie pour mettre sur la table 110 milliards €.
Le Traité de Lisbonne, à mes yeux une timide avancée, est contesté par nos propres juristes, en France et en Allemagne, alors que finalement il n’apporte que des réponses importantes mais incomplètes au renforcement indispensable de notre position dans le monde. Aujourd’hui, soyons francs, la croissance est en Asie, le chômage est en Europe, la productivité est en Amérique, la semaine de 4 ou 5 jours en Europe, les 35 heures sont en France, la croissance démographique est partout dans le Monde sauf en Europe où, en revanche la qualité de la vie, la solidarité, le modèle d’économie sociale de marché, peut-être le modèle le plus moderne pour le monde de demain, ne créent chez nos concitoyens qu’un sentiment de confort, mais certainement pas l’envie de le défendre et de le promouvoir dans le Monde.
En réalité, nous avons bien géré l’héritage des Pères fondateurs mais je m’interroge : avons-nous bien pris le tournant du nouveau siècle, qui exige de penser l’Europe en fonction de son rôle dans le monde ? A mon avis, il faut, dès maintenant, préparer l’héritage que nous laisserons à nos successeurs.
Je mesure la difficulté que constituerait aujourd’hui une vraie rupture avec le processus européen habituel, le courage politique qu’il faudrait pour surmonter les difficultés juridiques, constitutionnelles, politiques. J’ai le plus grand respect pour le droit mais je pense, qu’aujourd’hui les difficultés sont aussi politiques. Sommes-nous capables de les surmonter pour relancer un mouvement d’intégration plus rapide ?
La relance de l’intégration européenne, j’en suis convaincu, est le seul vrai moyen d’être fidèles à nos prédécesseurs en relevant les défis d’une Europe puissante dans un monde de compétition où l’Europe est défiée par un développement désormais partagé par tous. Vous savez, qu’en France, on a toujours cette vision de l’Europe puissance. Je crois que notre histoire nous apprend qu’une Europe puissante serait déjà un grand progrès.
Je crois que cette relance de l’intégration nous sera imposée si nous n’en prenons pas l’initiative.
Je souhaite être très précis : nous allons je crois être contraints de gérer nos économies en commun, c’est-à-dire de discuter ensemble de nos budgets nationaux avant de les soumettre à nos propres parlements, de partager volontairement encore davantage de nos souverainetés nationales avant que d’y être contraints par les circonstances comme aujourd’hui la Grèce, la Lettonie, la Hongrie et peut-être demain d’autres Etats européens sont aujourd’hui obligés de le faire, perdant ainsi de leur souveraineté sous la contrainte des circonstances. La lettre commune qu’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont adressé à la Commission européenne et au Président du Conseil européen hier, va dans ce sens et propose le renforcement d’une coordination budgétaire qui me paraît un sujet incontournable. A l’avenir, je pense que tous les domaines vont être concernés : la défense, le droit civil et le droit pénal. Nos polices, nos juges réclament des moyens d’agir en commun qui soient plus efficaces et donc plus unifiés. Nos militaires sont déjà plus intégrationnistes que nos dirigeants politiques et je pense que nous devons, pour calmer les marchés financiers donner un signe politique fort, même s’il n’est pas économique, pour montrer que l’Union européenne entend continuer à s’intégrer et est prête à aller très loin. Je crois que c’est la vraie réponse et le seul message qu’il faut adresser aux spéculateurs qui doutent en réalité de notre volonté d’intégration, lorsqu’ils se mettent à l’écoute de débats politiques et juridiques dans nos Etats.
Nous ne pouvons pas nous arrêter dans l’intégration sous peine de mettre en danger tout ce que nous avons fait.
Alors, il faut bien sûr tirer partie de tous les outils à notre disposition, à commencer par le Traité de Lisbonne qui change beaucoup de choses mais ne sera pas suffisant et qui ne doit pas nous détourner d’un véritable objectif d’intégration en focalisant nos débats sur les moyens et les outils plutôt que sur la fin. Certes, nous ne voulons pas créer un Etat européen, mais dès le 9 mai 1950, Robert Schuman, parlait d’une fédération européenne. Nous avons eu par le passé tous ces débats, Fédération, Confédération, Jacques Delors disait : « Fédération d’Etats nations » je crois qu’il n’est pas nécessaire aujourd’hui de rouvrir ce débat. La seule chose qu’il faut démontrer c’est que nous avons retrouvé l’esprit européen des Pères fondateurs, ne plus gérer l’Europe sur le seul plan diplomatique et juridique qui conduit inévitablement au retour de l’affrontement des intérêts nationaux, aux réflexes nationalistes et parfois, à la réapparition ici où là des mauvais penchants qui opposent les peuples alors que nous voulons les unir.
Cette fédération européenne je crois qu’elle doit rester l’objectif et pour avancer dans cette intégration européenne nous ne sommes pas obligés de le faire à 27. Le Traité de Lisbonne permet des coopérations renforcées voire structurées mais on peut les envisager aussi en dehors des traités européens. C’est une tâche qui nous incombe puisque, Démocrates chrétiens, Allemands et Français, nous sommes les héritiers des Fondateurs. Cette tâche sera très longue et très difficile. Nous aurons beaucoup de problèmes avec le droit, avec les juristes, et les juges de nos Cours Constitutionnelles, mais cette tâche sera loin aussi de la loi des experts et de la mécanique administrative de Bruxelles. C’est une tâche d’abord politique et de très grande ampleur. Il est nécessaire de garder la flamme des origines de l’Europe. C’est une œuvre considérable, encore plus difficile que jamais, de la ranimer pour qu’elle ne s’éteigne pas devant les dangers très importants qui la menacent.Je suis convaincu que cette tâche c’est celle de l’Allemagne et de la France d’abord, qui seront rejointes par d’autres. Bien sûr tout ceci ne doit pas être exclusif mais la France plus l’Allemagne c’est une fois et demi le PIB chinois c’est 40 % du PIB de la zone euro et ce sont les deux démocraties qui sont à l’origine du projet européen. Une coopération franco-allemande exemplaire ouverte aux autres, doit montrer le chemin et je suis sûr que cette tâche à la fois exaltante et très difficile nous avons les capacités de la mener à bien. L’Europe en a besoin et au-delà de l’Europe, le monde a besoin d’une Europe qui fonctionne.