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Le « service minimum » des partis politiques européens et français face à la crise

Article publié sur "Le Monde.fr" le 5 octobre 2011

Le temps de la Démocratie n’est pas celui des marchés financiers, surtout au sein de l’Union européenne, obligée de respecter la double légitimité des Etats et des citoyens. Les procédures de décision sont longues et les débats publics. Il faut trois mois à l’Union pour ratifier les décisions du 21 juillet augmentant les moyens du Fonds européen de stabilité financière. Depuis 2008, début de la crise financière, elle a ainsi donné le sentiment d’hésiter, de douter, voire de renâcler à décider. Les mesures adoptées l’ont été sous la pression des circonstances plutôt que dans l’enthousiasme d’un projet tourné vers l’avenir.

Cette confusion a généré la défiance à l’extérieur de l’Union et le trouble des esprits à l’intérieur. Les partis politiques, européens ou nationaux, ne se sont pas distingués par leur intelligence de la situation ou par l’imagination de leurs propositions.


 



 




Les partis politiques européens ne sont que des alliances de partis nationaux et leur expression, plus réelle à travers leurs groupes au Parlement européen, n’est souvent que limitée à la publication de manifestes rédigés laborieusement en vue d’un consensus minimal.



Le premier d’entre eux, le Parti populaire européen, est d’abord un parti de gouvernement réunissant 17 des partis aux affaires dans les 27 pays de l’Union, les présidents du conseil et du Parlement européens et une majorité de commissaires européens. A ce titre, il soutient l’action des siens et les décisions prises par les institutions. Dans une déclaration du 4 mars 2011 à Helsinki, il rappelle son engagement en faveur du renforcement du Fonds européen de Stabilité financière, de l’établissement en 2013 d’un mécanisme européen de Stabilité, son soutien au Pacte « Euro-Plus » et aux 6 textes législatifs votés par le Parlement, renforçant la discipline financière au sein de l’Union.



Le Parti Socialiste européen a adopté, le 23 juin 2011, un manifeste intitulé « du chaos à la gouvernance économique », qui réclame la solidarité entre les Etats membres, la mutualisation des dettes et la création « d’Eurobonds » et une nouvelle stratégie d’investissement susceptible de créer 8 millions d’emplois en 5 ans. Pour lui « la sortie de la crise ne doit pas entrainer de sacrifices sociaux » et il se prononce pour la création de nouveaux emplois et services publics, l’instauration d’une taxe sur les transactions financières et d’une « barrière » protégeant les Européens des spéculateurs.


La Parti libéral européen et surtout son expression institutionnelle au sein du Parlement, souhaite le renforcement des prérogatives des institutions communes, la mutualisation des dettes au niveau européen et une intégration la plus poussée.


Les Verts n’en sont pas éloignés, qui militent, dans leur « New Deal vert », adopté à Tallinn le 10 octobre 2010, pour une rupture avec le système économique actuel, pour la priorité à la protection de l’environnement, la lutte contre les changements climatiques et l’économie verte dans laquelle ils voient la seule sortie de crise possible.


Ces prises de position constituent les plus petits dénominateurs communs qu’ont réussi à trouver des partis politiques organisés d’abord en vue de la conquête du pouvoir sur le plan national.


De ce point de vue, la France n’échappe pas à la règle commune. Les enjeux des élections sont d’abord domestiques et, jusqu’à présent, les partis politiques se sont exprimés en ordre dispersé. L’élection présidentielle de mai 2012 leur impose, en effet, une posture programmatique prudente, d’ailleurs compréhensible puisque ce sera au candidat désigné dans chaque parti de se présenter, avec son programme, devant l’ensemble des électeurs. Contraints par cette phase politique obligée de rassemblement de leurs familles respectives, ils ont tous offerts à leurs électeurs « le service minimum ».



La traditionnelle incapacité française à communiquer sur la construction européenne, alliée à une réelle méconnaissance des mécanismes européens, des compétences économiques pour le moins diverses ( !) et une vraie difficulté à appréhender la nouvelle donne de l’économie internationale, les ont conduits à réclamer unanimement – à l’exception du Front national –  plus « de fédéralisme européen », sans que soit précisé le contenu de cette proposition, l’exercice de la solidarité européenne envers les Etats en difficulté, voire le renforcement du couple franco-allemand. Paroles, paroles, paroles ! On attend toujours les propositions concrètes qui permettraient aux Français de comprendre les enjeux de cette crise et de se déterminer en fonction de solutions préconisées. Ils ont besoin de réponses pragmatiques, capables d’apaiser leurs inquiétudes, plutôt que des généralités peu crédibles, dont ils connaissent déjà la musique.





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