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L'alternance outre-rhin : une chance pour la France

Article paru dans "Le Figaro" du 17 septembre 2005

Le vote des Allemands déterminera les conditions de l'alternance au sein du pays qui demeure la première économie d'Europe et le partenaire privilégié de la France. Mais nous ne saurons que demain si Angela Merkel a réussi son pari. La France a intérêt à l'alternance en Allemagne, le couple franco-allemand aussi, l'Union européenne vraiment.



L'Allemagne présente beaucoup de caractéristiques communes avec la France. Elle a profité à plein de l'unification européenne et de l'ouverture des marchés. Son économie est puissante. Mais ses faiblesses deviennent chroniques, avec 5 millions de chômeurs, une croissance faible, une dette qui s'envole et des déficits publics qui s'accroissent (69% et 3,5% du PIB). Longtemps moteur de l'économie européenne, l'Allemagne ne s'est pas adaptée suffisamment à la nouvelle donne mondiale.



Les Allemands savent qu'ils ne peuvent plus continuer ainsi. Il leur faut agir désormais courageusement pour redresser une économie si liée à la nôtre. Au moment où le gouvernement français entreprend des efforts louables pour «faire bouger les lignes», cette conjoncture est éminemment favorable. Pourquoi, d'ailleurs, ne pas le faire ensemble ? La France et l'Allemagne représentent 40% de la richesse des 25 pays de l'Union européenne, la moitié de celle de la zone euro. Il y a là une opportunité formidable d'agir en commun sur les plans fiscal et social. Pour vaincre le chômage et relancer l'économie européenne.



Le couple franco-allemand bénéficiera de l'arrivée aux affaires d'Angela Merkel. Trop systématique, mais peu créatif, le couple franco-allemand doit s'adapter à la nouvelle Europe et redevenir l'un des moteurs de l'Union. A l'unilatéralisme américain qui a conduit à la guerre d'Irak, la réponse fut l'axe Paris-Berlin-Moscou. Belle alliance de revers, au fond traditionnelle, mais non sans effets négatifs sur l'Europe désormais élargie ! Le principal fut de creuser un fossé avec nos nouveaux partenaires qui, il y a encore quinze ans, vivaient sous le joug de l'Union soviétique dont la Russie est le continuateur international. Nous ne pourrons pas développer avec Moscou une relation durable et productive, ce qui est nécessaire, contre nos nouveaux partenaires de l'Union. Pour les convaincre, il faut les comprendre mieux et ériger nos relations avec eux en priorité.



Le couple franco-allemand ne peut s'identifier à une relation privilégiée avec la Russie. Son premier devoir est d'aider à la réussite de l'intégration des nouveaux membres. C'est aussi son intérêt. Il doit s'ouvrir aux autres, les petits comme les grands. C'est désormais une évidence reconnue sur les deux rives du Rhin. Donner un contenu réel au triangle de Weimar (Allemagne, Pologne, France), entretenir avec les pays de Visegrad (Hongrie, République tchèque, Slovaquie, Pologne) une relation plus forte, valoriser chacun des États de l'Union, c'est prendre les moyens de réussir l'Europe à vingt-cinq, c'est-à-dire constituer un marché domestique comparable, par sa taille, au mar ché intérieur américain. La coali tion emmenée par la CDU en est convaincue.



Beaucoup s'in quiè tent, en Fran ce, de sa volonté de retrouver un dialogue transatlantique plus fécond et regrettent déjà la rupture qu'a constituée la brouille de Schröder avec les États-Unis. Si la position de la France était attendue, celle de l'Allemagne a constitué un choc profond dans un pays sur lequel pèsent des obligations dues au passé. Ne soyons pas en retard sur les événements ! Les États-Unis souhaitent renouer avec l'Europe et les relations avec la France en témoignent. Ils traversent des difficultés prévisibles et annoncées en Irak. La France et l'Allemagne doivent proposer à l'Europe une nouvelle relation transatlantique marquée par l'indépendance et le réalisme.



Pendant que tous nos regards sont tournés vers l'Asie, nous oublions un peu trop les réalités économiques et financières. L'économie transatlantique demeure dominante dans le monde. Elle est le lieu des échanges les plus prospères : 1 milliard d'euros par jour et l'interpénétration entre les deux rives de l'Atlantique est plus forte que jamais : 1 500 milliards d'euros d'investissements mutuels. Chaque partenaire emploie 6 millions de personnes de l'autre côté de l'Atlantique. Nous avons donc intérêt à une relation apaisée qui permettra de construire une Europe plus indépendante et plus prospère.



Enfin, au sein de l'Union, nous devons retrouver un couple franco-allemand créatif, moteur de l'unification inachevée et non simple gestionnaire d'une relation privilégiée. La France a intérêt à tirer immédiatement les conséquences de l'alternance allemande par une initiative européenne commune avec l'Allemagne, mais ouverte à d'autres. C'est vers nous que convergent les regards de nos partenaires européens. Notre responsabilité d'États est donc engagée. Bien que les relations entre nos deux pays dépassent le cadre partisan, la CDU a, en Allemagne, inventé la relation franco-allemande. C'est le parti de l'Europe, de ses pères fondateurs et de leurs successeurs. Elle le demeure et l'Europe lui doit beaucoup. C'est une chance pour l'Europe à laquelle la France doit prendre toute sa part.