fr en de
portrait

Lendemains de présidence

Article publié dans le Figaro, le 25/12/2008

Téléchargez l'article



La présidence française a été justement saluée comme une réussite. Elle a été brillante dans la gestion des crises, permis des décisions ambitieuses de l'Union, redonné corps à une volonté européenne qui semblait se dissoudre dans la culture des dissonances. L'Union européenne a manifesté sa présence sur la scène internationale, arrêtant un conflit, s'exprimant face à la crise financière, pesant davantage dans le monde. 



Beaucoup s'inquiètent de savoir si ces avancées pourront être préservées. Avant de faire un mauvais procès aux présidences suivantes, tchèque puis suédoise, il faut clarifier ce que nous voulons pour l'avenir de l'Union. Les Européens la veulent plus politique, c'est-à-dire moins enfermée dans des procédures diplomatiques qui ne lui permettent pas de suivre le rythme accéléré des événements. Chacun comprend désormais que la construction européenne ne consiste pas à nier les identités et les souverainetés nationales, mais qu'il s'agit de mettre en commun certaines de nos compétences étatiques pour mieux les exercer dans un monde où la taille compte.



Deux types d'enjeux majeurs vont nous permettre en 2009 de mesurer si nous en sommes réellement capables et, si ce n'était pas le cas, de bousculer un peu les habitudes trop convenues des cénacles européens.



Sur le front économique, l'initiative heureuse de Nicolas Sarkozy a permis de réunir à la même table les grandes économies mondiales. Après sa réunion du 15 novembre, le G20 doit se retrouver à Londres au début du mois d'avril. Une véritable entreprise de reconstruction d'un nouvel ordre international y a débuté. Il faut la mener à bien avec tous les acteurs concernés autour des principes de régulation, de transparence et de liberté des échanges.



L'enjeu est considérable. L'Union européenne doit y parler fort, à la mesure de son poids réel dans l'économie mondiale, c'est-à-dire le premier. Pour ce faire, il est évident que l'euro est le fédérateur en même temps que le bouclier des économies européennes. Certes, tous les États européens ne l'ont pas encore rejoint, mais les traités leur imposent de le faire dès qu'ils le pourront. Ce sont donc les chefs d'État et de gouvernement de la zone euro qui doivent d'abord définir clairement, entre eux, ce qu'ils veulent pour les économies européennes et tenter de le partager avec nos grands partenaires mondiaux. On en attend des mesures énergiques de relance économique, dans le sérieux et la rigueur, la transparence et l'efficacité que l'Union a su montrer dans la gestion de sa monnaie.



Sur le front diplomatique et de sécurité, plusieurs échéances majeures devront être surmontées. D'abord l'Afghanistan, où les buts de guerre doivent être  atteints pour stabiliser définitivement un État en construction autour d'une solution politique durable à l'abri du terrorisme international. Ce sera difficile et douloureux.



Le sommet de l'Otan du mois d'avril sera accueilli par la France et l'Allemagne. Il devrait être l'occasion d'un renouvellement de l'Alliance, qui prenne en compte les intérêts désormais spécifiques des Européens, qui ne sauraient être définis exclusivement ailleurs que sur le continent européen. Enfin, le défi iranien et sa volonté de se doter de l'arme nucléaire constitueront vraisemblablement la plus épineuse question à traiter. Autant de sujets d'ailleurs qui en appellent davantage aux grandes diplomaties européennes qu'aux institutions communes, mais qui ne sont pas sans influence sur la politique européenne !



Car 2009 est aussi une année d'élection européenne. Le scrutin du mois de juin devrait être l'occasion de poser de vraies questions européennes et d'engager de réels débats sur le fond des sujets qui intéressent l'avenir de notre continent. Pour ne pas tomber dans les débats stériles que chercheront à imposer les extrémistes de droite et de gauche, les eurosceptiques et les altermondialistes, il faut s'affronter sur de vraies alternatives politiques. Oui ou non à l'élargissement et jusqu'où ? Quel modèle économique et social voulons-nous ? Quelles alliances dans le monde et pour quoi faire ? Quelles relations avec nos voisins et nos partenaires américains, les Russes et les Chinois. Nous en sommes loin, comme si l'Europe devait être épargnée par les débats politiques.



II est temps maintenant de politiser la politique européenne. Elle concerne la vie quotidienne des Européens autant que l'avenir de leurs enfants. La première leçon de la présidence française, c'est incontestablement le retour de la politique. Si nous devons veiller à ce que cela soit au sens le plus noble du terme, ceux qui refuseront cette évolution risquent bien d'être emportés par cet élan...