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Q: Peut-on parler de fracture dans la relation franco-allemande ?
Jean-Dominique Giuliani :
C'est un jugement trop rapide. La relation franco-allemande est toujours essentielle, mais elle est en train de changer. Auparavant, les discussions étaient aussi vigoureuses, mais maintenant elles sont publiques parce que c'est le style de Nicolas Sarkozy. La situation des deux pays n'est pas la même. La chancelière dirige une coalition, elle est en cohabitation et en plus dans une année électorale. L'Allemagne vient de passer dix ans à se serrer la ceinture. Elle commençait à en toucher les bénéfices depuis un an : équilibre budgétaire, excédent commercial record de 189 milliards d'euros, et elle est touchée de plein fouet par la crise, beaucoup plus que la France. Ses exportations à la fin de 2008 auront sans doute chuté de 25 % ! Avant d'être un débat franco-allemand, le débat sur la relance économique est d'abord un débat allemand « Peut-être Merkel est-elle aussi un peu jalouse de Sarkozy ».
La relation entre Sarkozy et Merkel est-elle vraiment aussi mauvaise qu'on la décrit ?
Tout les sépare mais ils ont fini par trouver un modus vivendi. Qu'y a-t-il de commun entre l'avocat gouailleur et la scientifique froide ? Merkel 'est une joueuse d'échecs, elle ne décide jamais sous la contiainte. Et elle a plutôt pas mal réussi même s'il est à la mode de lui taper dessus. Sarkozy, lui, a bousculé les codes communautaires, ll veut faire de la politique et il a raison. Peut-être Merkel estelle aussi un peu jalouse de Sarkozy. Elle est d'ailleurs fascinée par son style, mais c'est un style qui a éliminé tous les autres...
Donc, il n'y a pas de divorce ?
Non. Il y a eu un divorce sur l'Union pour la Méditerranée, et finalement les deux pays ont décidé de se mettre d'accord... Puis, il y a eu divorce sur la politique monétaire, sur laquelle on n'a pas progresse. Mais il n'y a pas un seul dossier sur lequel il n'y ait pas un accord franco-allemand avant les sommets, qu'il s'agisse de Pimmigration, de l'agriculture et même du plan énergie-climat Ça fonctionne mieux que jamais sur le plan administratif et diplomatique, mais on n'entend que les craquements sur le plan politique, parce que la méthode Sarkozy, c'est de foncer, quitte à casser un peu de porcelaine au passage.
Pourquoi Sarkozy n'aime-t-il pas l'Allemagne ?
Il ne connaît pas bien l'Allemagne. Comme beaucoup de Français d'ailleurs. Il y a pourtant beaucoup de traits communs entre nos deux pays : un grand attachement à une riche culture, un vrai romantisme, une réelle énergie au plus profond de nos peuples. Et nous ne faisons pas assez d'efforts pour mieux comprendre les Allemands qui sont aussi de grands affectifs ! Il faut faire attention à ne pas exciter nos différences. Elles sont minimes. Et dans le monde d'aujourd'hui, l'intérêt de la France passe par l'Allemagne, l'intérêt de l'Allemagne passe par la France. Leur relation est incontournable.
Propos recueillis par Béatrice Houchard.