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Maintenant ou jamais

Face au Covid-19, comme d’habitude, les Européens ont commencé à décevoir avant que de se ressaisir quelque peu. Ce n’est pas gagné pour autant.

Le premier réflexe fut, partout, de fermer les frontières et de se replier sur l’Etat-nation. Mais celui-ci avait failli ; malgré les alertes, il n’avait pas été en mesure d’anticiper une telle épidémie. Il n’avait pas la taille suffisante pour faire face tout seul. Pénurie de matériel médical, réponses dans le désordre, donnèrent à l’Europe son pire visage depuis longtemps et les institutions communes elles-mêmes, trop figées dans le mode diplomatique, manquèrent d’empathie envers les plus touchés.

Quand il fut à peu près certain que tous seraient concernés, le second mouvement fut plus honorable. On commença à s’épauler, à se prêter du matériel et surtout à se parler et échanger des expériences, des solutions, des lits d’hôpitaux. La Banque centrale européenne sortit enfin son « bazooka » de 750 milliards € et trouva les mots qu’il fallait pour marquer sa détermination. La Commission européenne, qui n’a pas de pouvoir dans le domaine sanitaire, se montra alors plus active, suspendant les règles de concurrence et du Pacte de stabilité et de croissance, multipliant les initiatives et les aides concrètes, suggérant que la mise au chômage partiel due à la crise soit financée par un instrument communautaire commun, etc.

Pour autant les Etats membres déçurent. 9 d’entre eux suggérèrent alors un grand emprunt mutualisé, seul capable à leurs yeux de garantir les considérables moyens budgétaires qu’ils devraient engager pour atténuer les effets de la gigantesque crise économique qui menace.

Las ! Certains, pensant que la solidarité, c’est de la charité, s’opposent aux « coronabonds » que le bon sens et l’esprit européen réclament. Parmi les plus réticents on remarque les Etats du continent qui ont le plus bénéficié du marché et de la monnaie uniques ou de la libéralisation des échanges. Mais, confinés une fois de plus dans une posture morale contestable, ils confondent l’instinct de survie avec l’égoïsme.

Car l’Union est bien en cause. Si elle n’est pas capable, dans ces circonstances, de faire le saut de la mutualisation, elle ne le fera vraisemblablement jamais. Coronabonds, Recoverybonds, Sanitarybonds, plan d’investissement exceptionnel, appelons-le comme on voudra, mais il faut à l’Union un acte majeur qui exprime volontairement sa solidarité face à un événement exogène qui n’a rien à voir avec la bonne ou la mauvaise gestion. Il s’agit de la vie et de la mort de citoyens européens. Si cela n’émeut pas qu’en serait-il en cas de conflit ? Plutôt que d’attendre que les évènements les y obligent comme en 2008, les 27 peuvent mobiliser des moyens considérables pour surmonter la crise, s’ils décident de le faire ensemble ! S’ils l’acceptent, l’intégration européenne aura donné une preuve irréfutable de son utilité, de sa solidité et enfin fait le pas qu’on attend d’elle depuis longtemps.

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