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Brexit: Au-delà des mots...

A 39 jours de la date possible du « vrai » Brexit, le 31 octobre, à quoi peut-on s’attendre ? Le Royaume-Uni traverse une très grave crise politique et constitutionnelle. La plus vieille démocratie parlementaire, sans Constitution écrite, a vu sa vie politique et ses traditions littéralement exploser sous la pression des populistes. Le référendum de 2016 sur l’appartenance à l’Union européenne en cachait un autre sur la gouvernance et l’alternance entre les deux grands partis que sont les Conservateurs et les Travaillistes. Les Britanniques leur ont d’abord dit non. De consultatif, ce référendum est devenu le symbole incontournable des divisions d’une société aussi ébranlée que les autres par la mondialisation, les incertitudes, les inégalités et de nouvelles attentes des citoyens. Seuls les Britanniques peuvent sortir de cette impasse en précisant ce qu’ils veulent si tant est qu’ils le sachent. Surmonter les divisions qui les traversent sera difficile, douloureux et lent. Le prix à payer pour ces errements sera élevé.

Les Européens ne se sont pas réjouis de cette situation. Ils savent que nos destins sont liés, nos économies reliées et nos intérêts imbriqués. Ils ont donc veillé à préserver légitimement leurs intérêts mais ils l’ont fait en prenant en compte aussi ceux de nos partenaires d’outre-Manche. Personne n’a voulu punir des Britanniques qui pourtant l’auraient bien mérité, tant en 46 ans de vie commune au sein de l’Union, ils se sont révélés des partenaires difficiles, égoïstes, peu fiables, intéressés. Spécialistes du blocage et ennemis de l’intérieur, ils ne sont pourtant jamais venus à bout de la patience européenne. Les Européens ont préservé l’héritage de Winston Churchill, véritable promoteur de l’unification pacifique du continent, destinée à rompre avec son passé destructeur. L’Europe n’est pas un empire et ne recourt pas à la contrainte. On le lui reproche parfois, mais sa principale qualité est d’être organisée pour surmonter les différends et apaiser les tensions potentielles entre les peuples.

C’est ce qu’elle fera encore, malgré la présence au gouvernement britannique de leaders atypiques, impolis et mal élevés, dont les pratiques s’apparentent davantage à celles des voyous des rues que de la bonne diplomatie entre alliés. Au-delà des mots d’un Premier ministre peu crédible, au-delà de cette secte d’idéologues extrémistes, qui a pris en otage le parti conservateur, puis le Royaume-Uni, puis toute l’Europe, il y a un grand pays allié et un peuple ami aux immenses qualités. Nos intérêts de long terme commandent d’être raisonnables pour deux. L’Union européenne ne cédera pas aux caprices de Boris Johnson qui peut conduire son pays à violer ses propres lois et s’approcher du précipice, mais qui cherche avant tout à gagner les élections. Mais avant, pendant ou après le 31 octobre, elle restera ouverte à la discussion et prête à un accord. Pas à n’importe quelles conditions. Dans ce bras de fer que le Premier ministre britannique voudrait dramatiser jusqu’au bout, elle défend la paix en Irlande, les droits des citoyens européens et britanniques et l’intégrité de ce qu’elle a réussi, c’est-à-dire un grand marché régulé et protégé des excès. Elle n’acceptera pas à ses frontières une place offshore déloyale mais elle mettra tout en œuvre pour obtenir un accord mettant de l’ordre dans nos relations avec le Royaume-Uni, quelle que soit sa situation. Au-delà des provocations et des postures, Européens et Britanniques peuvent encore s’accorder et on peut même s'y attendre. 

 

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