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"L'Europe n'a pas été faite, nous avons eu la guerre"

En choisissant de citer la déclaration historique de Robert Schuman le 9 mai 1950, Emmanuel Macron a souhaité donner à son discours sur l’Europe prononcé à la Sorbonne le 26 septembre, une dimension historique, dramatique et solennelle. On aurait tort d’en sourire. Elle est vraiment opportune.

La compétition internationale dans un monde qui change a pris des allures de loterie. Les surprises succèdent aux instabilités inattendues. Les rivalités s’exacerbent. Désormais la dangerosité de la période que nous vivons est reconnue par tout le monde. Et chacun joue son jeu, sans réellement envisager l’impact que cela peut avoir sur les autres.

La Chine poursuit sa remontée, les Etats-Unis s’égarent dans le protectionnisme et peut-être bientôt l’isolationnisme. Les révisionnistes russes et turcs progressent sur les frustrations, les inégalités entre continents constituent autant de barils de poudre prêts à s’enflammer, la question nucléaire refait surface avec la Corée du Nord proliférante. Le monde se réarme et le peu de conflits ouverts ne doit pas cacher les déchaînements potentiels de violence, de drames et de misère.

L’Europe aurait tort de ne pas prendre la mesure de l’instant historique que nous traversons. Elle ne peut s’endormir sur sa prospérité, son mode vie et son généreux modèle social. A long terme, et peut-être même plus tôt qu'on le redoute, il en va bien de la paix et de la stabilité. Elle a tout son mot à dire dans les bouleversements du monde et c'est même son devoir, qui commence chez elle.

La France, à l’origine de la construction européenne, est dans son rôle lorsqu’elle appelle à prendre la mesure de l’urgence. En décelant dans la concurrence entre continents et les évolutions de la scène internationale, la possibilité pour l’Europe de perdre son rang et de connaître de nouveau le sang et les larmes qu’elle a si souvent versés, le président français a raison. Penser l’Europe dans le monde, lui donner les moyens de s’affirmer vis-à-vis des autres alors qu’elle s’est jusqu’ici concentrée sur ses défis intérieurs, c’est une nécessité impérieuse. Cette vision est juste. Il l’a assortie de plus de 70 propositions ou exemples concrets susceptibles de constituer plus qu’une prise de conscience, un sursaut. Il n’aura pas satisfaction sur tout mais il satisfait déjà au devoir de tout dirigeant: proposer pour agir pendant qu’il est encore temps.

Prônant la rupture avec la spirale des affrontements, Robert Schuman avait su en son temps s’exposer. L'histoire lui a donné raison. C’est bien d’une rupture avec les habitudes, les procédures et le confort, dont l’Europe a aujourd’hui besoin. Après ce discours, nul ne pourra dire désormais qu’il n’y a rien à discuter, à construire et développer pour garantir aux Européens un avenir conforme à leurs souhaits.
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