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Déréguler ou dérèglementer

Les Européens aiment les règles. Ils estiment, à juste titre, que la loi, égale pour tous, est nécessaire à la vie en société. Nos codes divers ne cessent de gonfler. Nos nations n’arrêtent pas de légiférer et le deuxième niveau démocratique que nous avons organisé avec l’Union européenne, trouve là une expression de son essence car elle est fondée sur le droit.


Or le Parlement européen a adopté, à l’initiative du Parti Populaire européen et avec le soutien de groupes de droite extrême des dispositions revenant sur les directives relatives au devoir de vigilance et au « reporting ». Ce fut comme un coup de tonnerre !


La Commission von der Leyen II détricoterait-elle ce qu’a initié la Commission von der Leyen I ? Une majorité alternative verrait-elle le jour au Parlement européen où l’extrême-droite n’hésite plus à voter l’agenda de dérégulation du Centre-droit ? L’Europe renierait-elle ses engagements climatiques comme l’accusent les ONG environnementales ? Les souverainistes auraient-ils eu raison ?


Une lecture politicienne ne correspond pas à la réalité que les faits expliquent mieux. Le poids des règlementations européennes est en partie la cause des 20% de productivité que l’Europe a perdu en 30 ans par rapport aux Etats-Unis qu’elle égalait. La croissance européenne est à l’arrêt, l’industrie régresse, les emplois disparaissent, le pouvoir d’achat stagne. Mais la production règlementaire se poursuit.


L’Union européenne n’est pas la principale coupable de cet état de fait car les abus législatifs accélérant ce déclin collectif trouvent d’abord leur origine dans nos capitales ; elle en est pourtant la complice.


Car ces contraintes ont un prix. La chimie européenne risque de ne pas survivre à l’application intégrale du règlement Reach. La filière automobile a déjà perdu 40 000 emplois en 5 ans et en perdra vraisemblablement le double dans les 10 ans à venir.


Ce cas est exemplaire. Les constructeurs automobiles européens étaient les premiers du monde. Leur disputer ce rang est fort coûteux pour tout compétiteur. En les obligeant à ne produire, à partir de 2035, que des moteurs électriques que les Chinois avaient développés faute de mieux, la règlementation européenne sacrifie un secteur entier de l’excellence européenne au profit de ses concurrents.


Une filière ne se crée pas par la règle mais d’abord par un marché où les consommateurs décident et les producteurs innovent pour mieux les satisfaire. La part des véhicules électriques en Europe n’est aujourd’hui que de 16% ! Les consommateurs les ont boudés.


Les lois doivent fixer des objectifs, pas des méthodes pour les atteindre. Aucune invention n’a jamais résulté d’une règle. La liberté technologique est la condition de l’innovation et donc du progrès. Pourquoi ne pas inclure les voitures hybrides ou utilisant d’autres carburants dans les objectifs communs de réduction des émissions ? 62% des véhicules chinois de plus en plus nombreux qui entrent dans l’Union sont déjà hybrides parce que c’est ce que préfèrent les Européens.


Mario Draghi a exposé cette philosophie et ses déclinaisons concrètes dans un rapport que les Européens tardent à mettre en œuvre faute de choix et de courage.


Si l’Union et nos gouvernements nationaux s’efforçaient de raisonner davantage dans le long terme au lieu d’agir le plus souvent au gré des modes, ils réussiraient à préserver le modèle européen sans ruiner son industrie, c’est-à-dire à dérèglementer sans déréguler, par l’incitation plutôt que la contrainte.


 

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