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L’Europe, gardienne des droits de l’Homme

La Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, plus communément appelée Convention européenne des droits de l’Homme, vient de célébrer son soixante-quinzième anniversaire.


Conclue au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour éviter le retour du totalitarisme, de la xénophobie, des discriminations et de l’antisémitisme, cet instrument exceptionnel, déclinaison de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, est la véritable incarnation des valeurs de l’Europe. Elle rassemble 46 nations.


Sa particularité, unique au monde, est d’organiser la garantie des droits de la personne face aux Etats, chaque individu pouvant saisir la Cour européenne des droits de l’Homme chargée de la faire respecter. Elle a déjà traité plus d’un million de recours.


La justice internationale demeure vraiment la seule arme du monde civilisé face aux pires crimes. On le sait depuis le procès de Nuremberg. On le rappelle avec la Cour pénale internationale. Ainsi la Russie, expulsée du Conseil de l’Europe en septembre 2022, sera jugée par la Cour européenne pour les enlèvements d’enfants, la torture et les crimes commis en Ukraine avant cette date et la Turquie, pays le plus condamné, doit en tenir compte. On voit que les Etats-Unis auraient bien besoin d’un tel mécanisme et qu’il est inacceptable pour les régimes dictatoriaux.


Nombreuses ont été les critiques envers certaines des décisions de la Cour qui interpréteraient trop largement la Convention, notamment sur les sujets sécuritaires. Les « Brexiters » promettaient de suspendre leur adhésion à la Convention, neuf Etats membres* de l’Union européenne se sont publiquement élevés contre certains de ses arrêts au motif qu’ils entravaient une politique d’immigration ou de sécurité efficace.


Mais jamais personne n’a assumé jusqu’au bout de remettre en cause les dispositions de la Convention. Les protestataires devraient dire quels sont les droits individuels qu’il convient de restreindre et en prendre l’initiative par des propositions concrètes de protocoles additionnels ou de réserves officielles, assumées devant les opinions publiques. Aucun Etat n’a jusqu’ici osé, tant les valeurs déclinées par la Convention sont symboliques de l’Etat de droit, c’est-à-dire du respect des personnes et de leurs libertés. Des valeurs consacrées par le droit et les traités européens.


La doctrine de « l’instrument vivant » développée par la Cour, qui, à ce titre, s’est emparée de questions éthiques ou environnementales nouvelles, devrait lui permettre aussi de mieux prendre en compte les impératifs de sécurité alors que l’Europe est confrontée à la Russie qui lui a déclaré la guerre – pour l’instant hybride – et face à une question migratoire qui risque de s’enflammer et de faire le jeu des extrêmes.


Mais cet acquis formidable, qui limite les dérives étatiques et préserve les droits de la Personne, est plus que jamais indispensable à une démocratie de plus en plus remise en cause partout dans le monde.


C’est un trésor dont les Européens peuvent être fiers et qu’il faut à tout prix préserver. Quels que soient les évènements à venir, ils sont comptables, devant l’histoire, de la survie et de la promotion de ce concept et de ce système qui protègent, défendent et subliment la Personne humaine face aux nationalismes, au racisme et à la raison d’Etat.


*Autriche, Belgique, Danemark, Estonie, Italie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque


P.S : L’attachement à la Déclaration universelle des droits de l’Homme ainsi qu’à la Convention ici citée et à leurs dispositions juridiques impose de ne pas utiliser, comme c’est devenu l’usage par respect pour la gent féminine, le terme « droits humains », traduction de l’anglais « Human Rights » qui ne se réfère pour sa part à aucun texte précis. Le flou de cette notion traduit de fait une dérive conceptuelle qui affaiblit les valeurs de ces textes.

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