Alors que la géopolitique occupe tout l’espace médiatique avec ses conflits, ses provocations et ses retournements, les Européens seraient bien inspirés de ne pas oublier l’essentiel :
La puissance dépend d’abord de la force. La force économique et financière, qui permet de construire et d’entretenir une force militaire et une véritable influence diplomatique.
L’Europe demeure une vraie puissance économique, dont le Produit intérieur brut rivalise encore avec ceux de la Chine et des Etats-Unis, mais les perspectives sont bien plus sombres. La croissance y est en berne mettant à mal la paix sociale et la stabilité politique, nourrissant les extrêmes.
Faute d’espoir, les peuples s’inquiètent et se rebiffent. Ils supportent de moins en moins ce qui a fait leur richesse, l’ouverture des frontières aux hommes comme aux biens. Ils se replient sur eux-mêmes, sur leur nation, voire leurs particularismes régionaux.
L’irruption de nouvelles puissances rivales et concurrentes accroît une angoisse déjà stimulée par les avancées technologiques qui bouleversent nombre de codes.
Les citoyens des démocraties exigent des réponses à un nouveau contexte inédit et encore, il y a peu, improbable.
Seule une croissance de la richesse, accompagnée d’un espoir d’une vie meilleure pour soi et sa descendance, peut tenter d’enrayer, dans les têtes comme dans la réalité, un sentiment de déclin aux conséquences mortelles.
Pour l’Europe, défiée à l’Est, abandonnée à l’Ouest et challengée partout ailleurs, l’impératif absolu est économique.
Il ne peut s’organiser qu’au prix d’investissements gigantesques, d’un allègement drastique des règlementations et d’une coordination économique accrue, non fondée sur des contraintes mais sur des objectifs.
Les règles économiques que nous appliquons pour cela sont largement obsolètes.
Le but doit être de produire davantage de biens et de services en étant à la pointe des techniques. Il ne convient pas d’avoir peur de la dette si elle est entièrement consacrée à l’investissement productif. Il faudra, bien sûr parallèlement alléger les dépenses courantes qui pèsent sur l’activité à un niveau considérable souvent ignoré.
Aligner nos règles sur la concurrence mondiale est une nécessité. L’Europe n’a pas à donner de leçons à des économies qui réussissent mieux qu’elle, même si elle poursuit ses propres objectifs sociaux ou environnementaux.
Se doter d’une politique monétaire qui libère les énergies plutôt que se focaliser sur le taux d’inflation va très vite apparaître comme une obligation.
Le retour de la croissance c’est l’assurance que les salaires pourront à nouveau augmenter, ce qui est réclamé à cor et à cri par les citoyens ; c’est l’assurance de financer l’indispensable effort de défense, de relever comme il se doit les immenses défis technologiques. Cela permettra ensuite de réduire nos dettes.
Politiquement la tâche n’est pas aisée. Faute de l’entreprendre avec courage et abnégation, elle a de bonnes chances de nous être imposée après des drames, comme souvent dans l’histoire du continent.
L’Union européenne a engagé ce tournant mais il est encore trop lent et si peu assumé. Réussir son avenir c’est se mettre au diapason de la nouvelle économie mondiale et se doter de nouveaux moyens pour reconstruire une économie plus agile, inventive et productive, nous donnant ainsi les moyens d’affronter les dangers qui s’accumulent sur notre route.