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09 avril 2024

Dans le cadre d'une série de seminaires citoyens organisée par Frédéric Petit, Député des Français établis en Allemagne, Europe centrale et Balkans, Jean-Dominique Giuliani tiendra une conférence en ligne sur le sujet des grands défis auxquels l'Union européeenne fait face en vue des élections européennes.

Comprendre le conseil européen du 13 décembre 2007 et le traité de Lisbonne

Jean-Dominique Giuliani, Chairman of the Robert Schuman Foundation

La Constitution n’ayant pas été ratifiée par l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne, les Chefs d’Etat et de gouvernement des 27 Etats membres se sont réunis les 21, 22 et 23 juin 2007 en Conseil européen à Bruxelles. Sous la présidence de l’Allemagne qui en avait reçu mandat un an auparavant, ils ont décidé de rédiger, d’ici la fin de l’année, un Traité réformateur, modifiant les précédents traités européens et qui remplacerait le projet de Constitution. Ce traité doit être soumis à une ratification, dans chacun des Etats membres, avant 2009.


 



  • Le Conseil européen parvient à un accord le 23 juin 2007. Après 36 heures d’une négociation difficile, le Conseil européen est parvenu à donner un mandat précis à la Conférence intergouvernementale (CIG) qui avait pour tache de formaliser l’accord politique auquel il a abouti. Ce texte est très précis, renvoyant à 22 notes de pied de pages et deux annexes. Conférence intergouvernementale a mis en forme sur le plan juridique le texte d’un traité modificatif du Traité d’Union européenne (TUE) et du Traité sur la Communauté européenne (TCE), ce dernier étant désormais remplacé par un Traité sur le fonctionnement de l’Union (TFU). Ce texte se substitue à celui, unique de la Constitution, désormais appelé « CIG de 2004 ». Des protocoles seront annexés au traité modificatif.  



  •  Le 23 juillet s’ouvre la Conférence intergouvernementale chargée de rédiger un nouveau traité remplaçant le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe.




  • Le Conseil Européen, réuni à Lisbonne les 18 et 19 octobre derniers, a adopté le projet de Traité réformateur modifiant le Traité sur l’Union européenne et le Traité instituant  la Communauté européenne. Le texte suivant présente le contenu de ce nouveau Traité : le traité de Lisbonne.





I. Adoption du Traité de Lisbonne




1. Un traité modeste mais permettant de sortir de l’impasse institutionnelle.




Pour tenir compte de la ratification de la Constitution par 18 Etats membres représentant 54% de la population européenne, son rejet par 2 et sa non ratification par 7, il fallait à la fois s’accorder sur les principales modifications institutionnelles qu’elle contenait et montrer que le Conseil prenait en compte les inquiétudes exprimées par deux référendums négatifs (France, Pays-Bas) et trois gouvernements (Royaume-Uni, Pologne, République tchèque).


Le mandat de négociation assigné à la Conférence intergouvernementale est donc le résultat d’un compromis politique laborieux.


Le nouveau traité se caractérise par l’adoption de l’essentiel des réformes institutionnelles contenues dans la Constitution et, pour les autres dispositions, par des réserves et des précautions qui marquent un retrait certain de l’enthousiasme européen bien qu’elles ne devraient pas comporter de vraies conséquences juridiques.


Le Royaume-Uni profite de cette occasion pour se mettre en retrait de certaines politiques communes actuelles ou à venir.


Les Polonais et les Tchèques ont obtenu l’abandon des symboles de l’Union (drapeau, hymne, devise) qui, à leurs yeux, laissaient entrevoir la constitution, à terme, d’un Etat européen et, avec d’autres (Lituanie), une clause de solidarité dans le domaine énergétique en cas de « graves problèmes d’approvisionnement ».


La France a fait disparaître, parmi les objectifs de l’Union (article I-3 de la Constitution), la création d’un « marché où la concurrence est libre et non faussée », même si la politique de concurrence reste un moyen de parvenir à un véritable marché intérieur.


Un protocole sur les services publics est annexé au traité.


Toutes les innovations de la Constitution n’ont pas été reprises par le traité réformateur, mais on y retrouve néanmoins les principales réformes institutionnelles :


- Un président du Conseil désigné pour deux ans et demi, renouvelables une fois,

- Un Haut Représentant pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, qui disposera des prérogatives du ministre des Affaires étrangères de l’Union et sera vice-président de la Commission européenne

- La double majorité pour les décisions au Conseil des ministres à partir de 2014,

- La réduction de 27 à 18 du nombre des commissaires européens à partir de 2014,

- L’accroissement des pouvoirs du Parlement européen grâce à l´introduction de la procédure générale de codécision en matière législative,

- Le contrôle renforcé de la subsidiarité par les parlements nationaux qui interviendront désormais dans la procédure législative européenne,

- Le caractère contraignant de la Charte des droits fondamentaux dans tous les Etats membres sauf le Royaume-Uni et la Pologne.

- L´initiative populaire, à travers le droit de pétition.

 

La politique de lutte contre les changements climatiques, liée à la politique de l’énergie, fait pour la première fois son entrée dans les traités européens.


Cet accord a été conclu au prix de concessions importantes aux Britanniques et aux gouvernements les plus eurosceptiques.


Les premières se traduisent par des clauses « d’opting-out » concernant la coopération en matière policière et judiciaire et l’applicabilité des articles de la Charte des droits fondamentaux.


Les secondes concernent l’entrée en vigueur de la nouvelle pondération des voix au Conseil pour l’application de la majorité qualifiée (2014 avec possibilité de prolonger jusqu’en 2017) et les symboles de l’Union (hymne, drapeau, devise).


De manière générale, des garanties sont apportées aux gouvernements eurosceptiques tout au long du texte du mandat par des interprétations restrictives, voire des précisions destinées à empêcher tout « empiètement » de compétences de l’Union sur les prérogatives des Etats.


Par ailleurs, des modifications de forme, sans réelle portée juridique, ont été apportées, à l’initiative des deux Etats ayant rejeté la Constitution. Outre l’introduction de déclarations rappelant la nécessité pour l’Union de protéger ses citoyens, la suppression de l’objectif de constituer « un marché intérieur dans lequel la concurrence est libre et non faussée » a entraîné nombre de commentaires, notamment Outre-Manche. Pour la Commissaire européenne à la concurrence, Neelie Kroes, cette modification n’entraîne pas de conséquences juridiques. Elle montre  pourtant une volonté politique de peser sur la Commission afin qu’elle assouplisse sa politique de concurrence.


De manière générale,  ce texte permet de sortir de la crise suscitée par les votes négatifs en France et aux Pays-Bas au printemps 2005 en offrant des garanties à ceux des Etats qui auraient bien voulu reprendre leur signature donnée à Rome le 29 octobre 2004. Il est donc moins ambitieux dans les termes et la forme. Il se contente de modifier les traités existants. Il ne marque pas une rupture avec les traités antérieurs qu’il modifie et complète.








2 - Nature et contenu du traité « réformateur »







 Le principe du nouveau traité repose sur l’incorporation dans le Traité sur l’Union européenne et le Traité instituant la Communauté européenne (qui devient traité sur le fonctionnement de l’Union) des innovations de la CIG qui s’est tenue en 2004, c’est-à-dire du texte de la Constitution tel qu’il a été présenté aux référendums en France et aux Pays-Bas. Cette inclusion est l’occasion de modifications notables.


Sont ainsi désormais inclus dans le traité réformateur :


- Une plus stricte définition des compétences respectives de l’Union et des Etats membres : l’Union douanière, le commerce, la concurrence, la politique monétaire demeurent des compétences exclusives de l’Union ; la politique sociale, l’énergie, le marché intérieur, la recherche restent des compétences partagées avec les Etats,

- La spécificité de la politique étrangère et de sécurité commune, avec notamment la création du poste de Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et l’inscr1ption dans le traité du caractère intergouvernemental de la PESC,

- L’intervention et le contrôle des Parlements nationaux, avec un allongement des délais pour l’examen d’un texte qui passe de six à huit semaines et un contrôle renforcé du principe de subsidiarité (les parlements nationaux pourront demander à la Commission de revoir une proposition s’ils estiment qu’elle empiète sur leurs domaines de compétences),

- La coopération policière et judiciaire en matière pénale, maintenue malgré les dispositions d’opting-out pour les britanniques,

- Le traité facilite le recours aux coopérations renforcées pour les Etats qui veulent avancer plus vite que d’autres dans des domaines où la règle de l’unanimité continue de s’appliquer, tels que la fiscalité ou la politique étrangère.

 


La Charte des Droits fondamentaux n’est pas incluse dans le traité, mais un article lui conférera une valeur juridiquement contraignante, en définissant son champ d’application (exceptions britannique et polonaise)






a– Modifications du Traité sur l’Union européenne (TUE):






Les valeurs sur lesquelles repose l’Union sont incluses dans les préambules et les premiers articles.


Est rappelé le principe de la compétence d’attribution de l’Union, avec plusieurs précisions quant au respect des compétences des Etats membres.


Une nouvelle procédure est instaurée permettant aux parlements nationaux de renforcer leurs prérogatives face aux institutions de l’Union.


Le Conseil européen devient une institution de l’Union.


Les règles de vote à la majorité qualifiée sont modifiées. Une majorité de 55% des Etats membres représentant au moins 65% de la population européenne, est nécessaire pour prendre une décision. Ces règles s’appliqueront en 2014 et, jusqu’en 2017, un Etat membre peut demander de voter selon les règles actuelles. En outre, jusqu’en 2017, 75% des Etats membres ou des Etats membres représentant 75% de la population de l’Union peuvent invoquer le « compromis de Ioannina », c’est-à-dire saisir le Conseil, « qui fait tout ce qui est en son pouvoir ….pour répondre aux préoccupations soulevées… ». Après 2017, ce compromis demeure en vigueur avec des pourcentages d’Etats et de population abaissés à 55%. La Pologne a obtenu que le « compromis de Ioannina », inscrit dans un protocole annexé au Traité, ait donc un poids juridique accru.


Les règles de coopération renforcées prévues par la Constitution sont incluses dans le traité et il faudra rassembler 9 Etats membres pour qu’elles soient possibles.


La politique étrangère et de sécurité commune fait l’objet de règles et de procédures particulières. Elle n’est donc pas « communautarisée ».


L’Union acquiert la personnalité juridique, avec la fusion des trois piliers (politiques communautaires, PESC et coopération judiciaire et policière).


Une procédure de retrait volontaire de l’Union est instituée.


Les conditions requises pour demander son adhésion à l’Union sont inscrites dans les traités et complétées par les critères « fixés par le Conseil » (Copenhague modifié).


Le nombre de députés européens a été définitivement fixé à 750 au lieu de 785 précédemment. Cette nouvelle répartition sera celle qui prévaudra donc pour les prochaines élections européennes de 2009. L’Italie a obtenu un siège supplémentaire par rapport à la proposition de répartition des sièges émise et adoptée par le  Parlement européen le 11 octobre dernier (rapport Lamassoure-Severin).








b– Modification du Traité instituant la Communauté européenne






Il devient Traité sur le Fonctionnement de l’Union (TFU)


Les innovations de la Constitution sont incluses dans le traité sous formes de modifications ponctuelles : les domaines et les catégories de compétences de l’Union (compétences exclusives, partagées, d’appui, de coordination ou de complément) sont précisés et élargis, notamment à l’espace, l’énergie, la protection civile, le sport, le tourisme, la santé publique, les régions ultrapériphériques, la coopération administrative, la gouvernance de l’Euro, l’espace de liberté, de justice et de sécurité, les ressources propres. Le champ d’application de la majorité qualifiée est élargi à plus de 40 domaines, ainsi que celui de la procédure de codécision. Le Parlement européen se trouve ainsi fortement renforcé.


Des modifications sont apportées par rapport au texte constitutionnel.


Elles concernent :


- L’ajout d’une clause de solidarité énergétique en cas de graves difficultés d’approvisionnement,

- La lutte contre les changements climatiques,

- Les actes juridiques de l’Union restent les mêmes qu’aujourd’hui. Il n’y aura donc pas de « lois européennes » ou de « lois-cadres européennes ».

 


Un protocole sur les services publics est ajouté :






Protocole sur les services d'intérêt général






Les hautes parties contractantes, Souhaitant souligner l'importance des services d'intérêt général, Sont convenues des dispositions interprétatives ci-après, qui seront annexées au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union:




Article premier


 Les valeurs communes de l'Union concernant les services d'intérêt économique général au sens de l'article 14 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne comprennent notamment:

- le rôle essentiel et la grande marge de manœuvre des autorités

nationales, régionales et locales dans la fourniture, la mise en service et l'organisation des services d'intérêt économique général d'une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs;

- la diversité des services d'intérêt économique général et les disparités qui peuvent exister au niveau des besoins et des préférences des utilisateurs en raison de situations géographiques, sociales ou culturelles différentes;

- un niveau élevé de qualité, de sécurité et d'accessibilité, l'égalité de traitement et la promotion de l'accès universel et des droits des

utilisateurs;


 


Article deux


 


Les dispositions des traités ne portent en aucune manière atteinte à la compétence des États membres relative à la fourniture, à la mise en service et à l'organisation de services non économiques d'intérêt général.


 


Les protocoles prévus par la Constitution seront modifiés (10 d’entre eux sont supprimés). Celui concernant Euratom est conservé mais pas dans les mêmes termes.


La Conférence intergouvernementale a rédigé ce traité en vérifiant les correspondances juridiques, les renvois et l’architecture des deux seuls traités qui deviennent les principaux fondements juridiques des actions et des institutions de l’Union.


Le texte final n’y gagne pas en clarté. La nécessité de doter l’Union de fondements juridiques plus compréhensibles par les non spécialistes, demeure une exigence pour l’avenir. Elle est renvoyée à une date lointaine. Si on peut le regretter, il n’en faut pas moins se féliciter d’être sortis de la crise institutionnelle actuelle.


Cette situation doit permettre d’envisager quelques évolutions de plus long terme pour l’Union et ses politiques.


La signature officielle du Traité réformateur par les Chefs d’Etat et de gouvernement est prévue le 13 décembre 2007 à Lisbonne.


Le texte sera ensuite soumis à ratification dans chaque Etat membre avant les élections européennes de juin 2009.








 II – Les évolutions que porte le nouveau traité : 




La période de troubles qui a suivi les référendums français et néerlandais, ainsi que les conditions dans lesquelles l’Union semble en être sortie, permettent d’envisager à court terme de nouvelles évolutions de la politique européenne. Confrontée à de nouveaux défis, celle-ci peut dessiner à moyen terme une Union européenne  quelque peu différente.




 1 - Des changements probables




 a- Refondation ou adaptation ?




La méthode choisie pour la sortie de crise privilégie l’adaptation des traités et des institutions. Les innovations institutionnelles sont limitées. Avec retard, l’Union s’adapte aux élargissements successifs. Elle aurait dû anticiper ces changements dès le Traité de Nice. Il lui reste à inventer de nouvelles politiques communes. Elle s’est montrée de fait incapable de se réformer politiquement et elle poursuit le processus d’intégration avec les mêmes principes et selon les mêmes méthodes que par le passé.


C’est particulièrement vrai s’agissant de la politique d’élargissement, de la politique économique et sociale, de la politique de concurrence.


Pourtant, certains Etats membres réclament ou attendent des évolutions plus fortes et une rupture avec la politique européenne récente.


Le président français ne l’a pas caché lors de sa campagne électorale. D’autres partagent ce point de vue. Faut-il donc « refonder l’Union » ou simplement l’adapter résolument à de nouvelles missions ? Il est clair qu’un mouvement est en route souhaitant des réformes importantes du fonctionnement de l’Union européenne et qu’elle pourrait connaître des évolutions significatives dans les prochaines années. Par exemple, après cet accord, l’hypothèse d’une Europe à plusieurs vitesses retrouve du crédit. Certains voudront avancer plus vite que d’autres et le Traité réformateur le leur permettra.


 


b-  Différenciation et spécialisation




 Les dispositions du Traité institutionnalisant les coopérations renforcées, qui existaient déjà sous une forme différente, correspondent à un vieux concept communautaire : les Etats peuvent décider de coopérer à quelques uns pourvu que la communautarisation de leur coopération soit organisée.  Seront-elles pour autant utilisées ? Rien n’est moins sûr. Elles sont en effet très compliquées à mettre en œuvre  et profitent essentiellement à la Commission européenne dont le statut est en déclin et le fonctionnement de plus en plus critiqué.


En revanche, les Etats membres vont être tentés de plus en plus d’avancer à quelques uns sur certains sujets, dans un cadre purement  intergouvernemental. Tel est le cas du traité de Prüm, signé le 27 mai 2005 entre 7 pays  (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Luxembourg, Pays-Bas) et destiné à renforcer la coopération transfrontalière dans la lutte contre le terrorisme, la grande criminalité et l’immigration illégale.


On peut penser que vont se multiplier les initiatives de même nature dans d’autres domaines où la Commission se montre trop prudente ou peu imaginative. En matière de défense et de politique étrangère, c’est déjà le cas (UE3 sur l’Iran, processus de Saint-Malo) et le nouveau Traité en exclut de facto l’intervention de la Commission, c’est-à-dire la communautarisation. Dans les domaines de la police et de la Justice, des avancées sont prévisibles à quelques uns, notamment en matière de lutte contre la criminalité et de contrôle de l’immigration illégale.


On peut raisonnablement estimer que d’autres champs de coopération intergouvernementale pourraient s’ouvrir, par exemple dans le secteur de l’énergie où les événements risquent de brusquer les décisions.


 


Peu à peu se dessine une Union différenciée, quasi à la carte, dans laquelle les cercles de coopération pourraient devenir de plus en plus spécialisés. Ils sont déjà nombreux : Schengen, l’Euro, Prüm. Leur nombre continue à s’accroître : Charte des droits fondamentaux, coopération judiciaire et policière. Ils pourraient se multiplier : Europe de la Défense, Union méditerranéenne.


 


c- Vers une nouvelle conférence de Messine ?


 


Cette évolution n’est pas sans inquiéter la Commission. Le Parlement européen, quant à lui, entend accroître ses compétences, au nom de la démocratie. Il s’accommodera mal de nouvelles politiques européennes sur lesquelles il n’aurait pas son mot à dire.  Les Etats membres les plus « communautaires », comme la Belgique, l’Italie, l’Espagne ou le Luxembourg, ont déjà déclaré ne pas se satisfaire d’une telle évolution.


C’est l’une des raisons pour lesquelles il ne faut pas exclure le retour en force de l’idée constitutionnelle dès que le nouveau traité aura été adopté.


On peut, en effet, légitimement estimer que la question constitutionnelle est loin d’être épuisée par l’épisode conventionnel. Plusieurs Etats membres ne cachent pas leur mécontentement de voir le processus d’intégration poursuivi selon les méthodes diplomatiques traditionnelles ;  le débat public européen a pris, avec le moment référendaire, un nouveau tour et aucune question européenne n’est désormais à l’abri de vifs débats dans l’opinion ; les signataires du traité reconnaissent eux-mêmes qu’il n’est, en réalité, qu’une étape.


L’Union et ses Etats membres, comme à l’accoutumée, doivent donc s’attendre, dans le court terme, à de nouvelles demandes politiques sur plusieurs questions de fond concernant le processus d’intégration. La posture du président français, considérant qu’il n’y a aucun « tabou » européen et que tout peut faire l’objet de discussions politiques, incite à évoquer, au niveau européen comme au sein des Etats membres, toutes les questions de politique européenne.


Il s’agit d’une évolution majeure marquant clairement l’entrée dans un processus politique d’unification de l’Europe.


Les sujets à traiter au niveau communautaire, qui touchent à la souveraineté des Etats (police, justice, défense, politique étrangère) confirment cette analyse.


Il ne faut donc pas exclure qu’au moyen de nouvelles procédures (Comité des sages, commission de réflexion, etc.) soit relancée l’idée d’un Traité rassemblant tous les traités européens, une Constitution plus claire et plus centrée sur les valeurs et les grands principes de fonctionnement de l’Union.


En quelque sorte, comme la Conférence de Messine a permis de relancer l’unification de l’Europe après le douloureux échec de la Communauté européenne de Défense, il est imaginable que les Etats membres, pressés par l’accélération de la globalisation, devant faire face à de réelles menaces (terrorisme), sous l’empire de la nécessité économique (délocalisations, croissance), décident dans un proche avenir, de reprendre des négociations en vue de relancer le mouvement d’unification.


 


De toute façon, l’Union ne pourra pas éviter de s’emparer de questions urgentes, posées aux Etats membres, pressés par la nécessité. La poursuite du mouvement d’intégration sera bien la seule réponse pertinente.


 


 


2 – L’Union face aux grandes interrogations du moment


 


L’Union ne peut faire l’économie de débats et de décisions dans de nouveaux domaines d’action.


Ceux-ci peuvent être catalogués en fonction de l’urgence, de la réalité ou de l’évolution de la communauté elle-même.


 


 


a- Les urgences


 


Un sentiment d’urgence conduit les institutions de l’Union et les Etats membres à évoquer au niveau européen de nouveaux sujets jusqu’ici réservés à la sphère nationale.


 


 


La lutte contre les changements climatiques


 


La force des attentes de l’opinion en matière de changement climatique bouscule le cénacle des Chefs d’Etat et de gouvernement. Ils ne peuvent plus éviter la thématique environnementale et sont contraints de l’évoquer à chacune de leurs rencontres. Ce fut le cas au mois de mars 2007 où le Conseil européen, sous présidence allemande, a fixé à l’Union des objectifs ambitieux en matière de réduction des émissions de carbone. Le G8 d’Heiligendamm a fait de même ; le Conseil de juin aussi. A chaque fois, les objectifs sont révisés à la hausse car les dirigeants estiment être contraints d’agir. Désormais les objectifs écologiques font partie de toute réunion internationale et les changements politiques à intervenir aux Etats-Unis laissent entrevoir une accélération des discussions internationales.


Dans ce contexte, l’Union voudra figurer parmi les meilleurs élèves de la classe mondiale. Dotée d’une politique environnementale ambitieuse, poussée par une opinion publique européenne exigeante, qui manifeste à cette occasion une véritable unité, l’Union va multiplier les contraintes, les objectifs, les incitations pour la mise en œuvre d’une véritable politique de réduction des émissions de carbone.


Cette question sera vraisemblablement une occasion de surenchère pour le Parlement européen et de compétition dans les déclarations entre les Etats membres. Angela Merkel en a même fait un sujet de politique intérieure qui n’est pas sans causer des frictions avec les responsables économiques.


 


La sécurité énergétique


 


De la même manière, la sécurité des approvisionnements énergétiques est devenue une thématique politique forte et populaire, renforcée par la situation fragile des nouveaux Etats membres, inquiets des pressions de la Russie sur son ancienne zone d’influence. Le spectre de la rupture d’approvisionnement pèse sur nombre de dirigeants d’Europe centrale et orientale. La crise ukrainienne de 2006 et plusieurs incidents de livraison ont accru le sentiment d’urgence en faveur d’une politique, sinon commune, du moins solidaire, de l’Union européenne en matière énergétique.


Plus généralement, la question du choix des approvisionnements énergétiques s’est imposée dans les débats européens après la décision allemande de privilégier la relation russe en développant le projet de gazoduc sous la mer Baltique. Ce projet est considéré comme une quasi-provocation par les pays d’Europe centrale et une réponse égoïste à un problème qui concerne tous les Etats membres.


Enfin, le choix nucléaire fait par un nombre croissant de pays européens (Royaume-Uni, Finlande, Etats baltes) pose la question du « mix énergétique » que la Commission refuse de mettre sur la table et à propos duquel l’Allemagne se révèle paralysée par le Traité de coalition de l’actuel gouvernement. Seule une accélération de la construction de centrales nucléaires permettrait à l’Union d’atteindre les objectifs de réduction d’émissions de carbone qu’elle s’est elle-même fixés. La question ne manquera pas de faire irruption dans les débats internes de l’Union. Le nouveau président français a déjà laissé entrevoir qu’il était prêt à l’y introduire. Les pays d’Europe centrale et orientale, que l’Union a obligé à fermer leurs centrales les plus anciennes, le feront de toute manière, soit en réclamant des financements qui pourraient relever du traité Euratom, soit en choisissant des équipements russes.


Les questions énergétiques seront donc au cœur des préoccupations des Etats membres et des institutions de l’Union. Bien que le Traité, comme la Constitution, ne touchent pas au traité Euratom, celui-ci risque bien de faire l’objet d’un intérêt renouvelé, ne serait-ce que celui du Parlement européen qui revendique des pouvoirs sur les seules institutions de l’Union qui échappent, pour l’instant, à sa compétence. Par ailleurs, l’idée de créer des instances de régulation européenne dans le domaine énergétique pourrait apparaître comme un pas vers une vraie politique commune. Cette hypothèse est de plus en plus énoncée dans les cercles de réflexion  compétents sans qu’il soit possible d’en définir pour l’instant les contours.


 


 


Le marché intérieur


 


L’expérience récente conduit à estimer que l’achèvement du marché intérieur fera l’objet de difficiles avancées. Chaque fois qu’est développée l’une des quatre libertés fondatrices du Traité de Rome, des oppositions apparaissent, appuyées sur des mouvements d’opinion suffisamment forts pour accroître les réticences traditionnelles des Etats membres. Ceci vient de se produire pour la mise en œuvre de la libéralisation du secteur postal. On voit qu’il en est de même en matière énergétique. Doit-on en conclure que le marché intérieur ne sera pas réalisé, notamment dans les services ?


L’analyse des besoins, à la lumière de l’expérience européenne des 50 dernières années, permet d’oser un pronostic : l’intégration du marché intérieur va se poursuivre mais selon des méthodes et un rythme différent.


S’agissant des méthodes, il est certain que les difficultés politiques seront accrues par les pouvoirs d’intervention des parlements nationaux venant appuyer les résistances nationales. Mais la montée en puissance du Parlement européen et sa capacité à dénouer les imbroglios politiques devraient lui permettre de « prendre le relais» de la Commission quand celle-ci, cas de plus en plus fréquent, ne sera pas en mesure de proposer de dépasser les intérêts nationaux. Il est possible d’imaginer que ce nouveau rôle du Parlement européen pourrait notamment s’exercer dans le domaine énergétique et des services publics en général.


Le calendrier d’achèvement du marché intérieur pourrait en être accéléré pour certaines questions impliquant les consommateurs, et ralenti pour celles qui touchent notamment à des compétences nationales difficiles à partager.


L’urgence de l’achèvement du marché intérieur n’en fait pas moins une question récurrente qui devrait occuper longtemps encore les institutions européennes.


 


b- Les questions récurrentes


 


Démographie et immigration


 


La population européenne représentait 13,9% de la population mondiale en 1950. Selon les prévisions, elle n’en représentera plus que 5% en 2050. Certains Etats compteraient même moins d’habitants en 2050 qu’en 1950 (Bulgarie, Lettonie, République tchèque). Le taux de fécondité moyen de l’UE s’est effondré à 1,4, nettement inférieur au taux de renouvellement des générations (2,1). La population européenne vieillit et l’Union comptera à peine plus de personnes en âge de travailler en 2050 qu’en 1950. A ce rythme, les questions démographiques cessent de faire l’objet de simples constats, elles s’imposent comme un sujet politique majeur.


En effet, la première conséquence de cette situation est un courant d’immigration soutenu. Le solde migratoire est aujourd’hui 4 fois supérieur à l’accroissement naturel de la population européenne.


Ces questions ne peuvent rester absentes des politiques européennes. Déjà la politique familiale est évoquée de plus en plus fréquemment au sein des institutions de l’Union. La politique d’immigration devrait faire l’objet de décisions communes, voire d’une amorce de politique commune. La politique d’intégration des populations immigrées est un champ d’intervention qui pourrait être privilégiée par les institutions de l’Union. La question du vieillissement et toutes ses conséquences seront des champs d’expérimentation de nouvelles politiques européennes.


Défi majeur lancé à l’Europe, la question démographique ne pourra plus être laissée longtemps aux seuls Etats membres.


 


Défense et sécurité : vers une armée commune ?


 


De la même manière, sous la double influence des coûts d’investissements militaires et des nouvelles menaces, notamment du terrorisme et de la criminalité transfrontière, les politiques communes de sécurité et de défense devraient connaître de nouveaux développements. Déjà, sur le terrain, les coopérations se sont rapidement accrues sans réelle formalisation ou revendication politiques. Les armées européennes travaillent ensemble et l’OTAN a joué un rôle intégrateur bien supérieur au sentiment des observateurs. Procédures communes, stratégie et tactique normalisées, expériences multiples sur le terrain, des Balkans à l’Afghanistan en passant par l’Afrique, états-majors communs, ont plus sûrement contribué à jeter les bases d’une armée européenne commune que tous les discours politiques. Au demeurant, ceux-ci sont restés très discrets sur ces rapprochements.


Une Europe plus politique, éventuellement confrontée à quelque événement grave sur son territoire, pourrait connaître des avancées insoupçonnables dans ces domaines de souveraineté jusqu’ici jalousement protégés par les gouvernements nationaux.


Par ailleurs, une fois encore l’approche fonctionnelle dans le domaine des industries de défense pourrait être la voie privilégiée. Le secteur subit une concurrence accrue et entreprend des délocalisations…aux Etats-Unis. L’approche de la problématique sera symbolique de la manière dont l’Union voudra garantir sa souveraineté stratégique. La Commission annonce déjà un projet de directive sur les marchés publics de défense, impensable il y a peu. Il s’agirait d’ouvrir, par la voie des marchés publics, la convergence des programmes industriels et d’encourager les rapprochements industriels. Compte tenu de l’importance stratégique des industries de défense, qui, pour une large part, influent sur l’usage des technologies civiles de pointe, cette approche n’est pas la plus appropriée. Des coopérations intergouvernementales et surtout industrielles entre grands opérateurs européens, apparaissent possibles et commencent à se développer. Il incombe aux Etats membres de les soutenir et de les initier. Des rapprochements européens sont possibles et souhaitables. Le nouveau traité les facilite tout en privilégiant la méthode intergouvernementale. Celle-ci reste la mieux adaptée à un domaine de souveraineté que les Etats n’abandonneront pas dans le contexte mondial présent et futur.


 


c- Les débats incontournables


 


Quelles politiques économique et monétaire ?


 


Nicolas Sarkozy l’a remise au goût du jour : la question des politiques économiques des Etats membres et de leur coordination est devenue un sujet majeur.


Peu à peu, l’Euro s’impose comme monnaie de réserve alternative au dollar. Son cours traduit ses succès qui restent modestes mais sont certains. Les investissements internationaux ont confiance dans la monnaie unique et depuis 1999 le stock d’investissements détenus par des non résidents au sein de la zone Euro a doublé ; le montant des bons à court terme émis par des non résidents en Euro depuis cette date est supérieur à celui libellé en dollars. Aujourd’hui, seuls 24% des réserves mondiales sont détenues en Euro, contre 65% pour le dollar. L’Euro gagne en crédibilité ; il est devenu une monnaie de réserve et de transaction dans les échanges internationaux, mais cela prendra du temps pour qu’il s’impose. Renforcer le rôle international de l’Euro est l’un des fondements de la politique monétaire de la Banque centrale européenne que contestent certains industriels, voire certains Etats membres.


Le débat est donc lancé. L’Euro-groupe pourrait en bénéficier et trouver une expression politique en s’instituant en un cercle de coopération renforcée supplémentaire. Gageons néanmoins que la coordination des politiques économiques demeurera un sujet de discussions récurrent des Conseils européens, tant les habitudes et les échéances politiques nationales pèsent sur les gouvernements.


Pourtant, si aucun changement majeur des statuts ou de la politique de la BCE n’est à attendre, les gouvernements pourraient se trouver incités à développer leur coopération économique et des initiatives communes pourraient voir le jour en matière d’investissements, d’équipements structurants, voire de fiscalité. Ils pourraient ainsi contribuer au renforcement de la force d’attraction de la zone Euro.


Enfin, il est certain que l’Euro-groupe serait légitime pour prendre toute sa part dans les négociations financières internationales. C’est à la zone Euro d’entamer un dialogue avec les autorités chinoises sur le cours forcé à la baisse du Yuan, facteur essentiel expliquant l’explosion des exportations chinoises. A ce jour, seules les autorités américaines ont entrepris une difficile discussion de cette nature. C’est aux responsables de l’Euro-groupe de dialoguer avec les Américains pour évoquer la faiblesse du dollar et ses conséquences.


Plus que des débats internes portant sur le cours de notre monnaie, c’est vraisemblablement à des actions externes que l’Euroland devrait être utilisé avec davantage de vigueur. Les Européens n’ont pas toujours conscience de leurs succès. L’Euro en est un. Il doit leur permettre de peser plus et mieux dans le monde.


 


Des frontières pour l’Union ?


 


Il s’agit aussi d’un sujet mis à l’agenda par la France et son nouveau président, avec de réelles chances de voir modifiée la politique d’élargissement, ses objectifs comme ses méthodes.


L’Union ne se contentera plus d’offrir à ses voisins la seule perspective de l’adhésion, mais devra inventer de nouvelles formules de partenariat et de coopération en dehors de ses limites. Si la perspective politique en paraît lointaine et difficile, le soutien des opinions publiques paraît acquis, de même que celui de  plusieurs Etats membres, dont l’Allemagne. Une pause dans les élargissements devrait en résulter, avec quelques crises délicates à surmonter dans les relations avec certains de nos partenaires (Turquie, Balkans, Ukraine).


De ce point de vue, les débats internes sur l’avenir des Balkans et la politique qu’il convient d’y conduire, sur les relations de voisinage de l’Union, semblent trop marqués par un réel laisser-aller qui manque de réflexion stratégique et de profondeur. Une sorte de consensus mou s’est forgé au sein de l’Union qui se devrait de reprendre l’initiative politique.


La question des limites de l’Union est désormais posée. Indissociable du nécessaire sentiment d’appartenance, elle devra être tranchée et cela prendra du temps.


 


 


3 - L’Union européenne dans 20 ans


 


Pour clore les analyses qui précèdent, l’exercice consistant à tenter de les mettre en scène peut s’avérer utile à la réflexion. Il convient toutefois de l’interpréter avec précautions. A quoi pourrait ressembler l’Union dans 20 ans ?


Elle aura assurément continué à poursuivre son  processus d’intégration. Si son rythme peut paraître lent, il est, en réalité, au regard de l’histoire, extrêmement rapide.


Après avoir réussi l’essentiel de son intégration économique, l’Union et ses Etats membres sont désormais confrontés à davantage de questions purement politiques. Il ne s’agit pas seulement de sujets de politique internationale, il s’agit aussi de son propre développement institutionnel et de son organisation politique.


Vers quel type d’Union européenne évoluons-nous ? Quelle sera la réalité du marché unique ?


Quelles seront les relations de l’Union avec ses principaux partenaires ?


En définitive, de quels succès et de quels échecs pourra-t-elle se prévaloir ?


 


a- Une Europe à plusieurs vitesses


 


La posture britannique oblige à envisager le développement d’une Europe à plusieurs vitesses. Le Royaume-Uni est le seul Etat membre dont l’Union n’aura pas réussi à vaincre les réticences eurosceptiques. S’il préfèrera toujours ne pas perdre pied sur le continent dont il est le plus proche, il gardera des liens privilégiés avec les Etats-Unis et une vision du monde qui lui appartient, largement incompatibles avec une défense ou une politique étrangère européennes.


S’il est un domaine où les Britanniques ne peuvent rompre avec l’Europe institutionnelle, c’est l’économie. Ils veilleront à garder l’accès au marché européen, à pouvoir toujours peser sur ses décisions, à continuer à y investir les capitaux « baladeurs » venus du monde entier et transitant par sa place financière, devenue désormais la première du monde. L’Union peut trouver un intérêt à cette posture, comme il est parfois utile de disposer d’une place « off-shore » à ses frontières.


Dans sa dérive non lointaine et jamais définitive, le Royaume-Uni peut entraîner provisoirement quelques autres Etats membres. Le postulat est que ceci ne peut jamais être durable compte tenu de la structure des économies des Etats continentaux et de leur dépendance croissante, notamment pour les nouveaux Etats membres, des politiques et des crédits communautaires.


Incontestablement, l’épisode constitutionnel, et surtout son échec, a marqué un tournant dans les relations entre l’Union et le Royaume-Uni.


 


Le renforcement politique de la zone Euro pourrait déboucher sur de nouvelles structures institutionnelles propres aux Etats membres qui accepteront le maximum d’intégration. On trouvera dans ce premier cercle les Etats fondateurs, la plupart des plus récents adhérents, mais vraisemblablement pas la totalité des Etats nordiques, tentés par les postures marginales sur le plan économique comme en matière de défense (neutralité).


Ce groupe d’Etats les plus européens progressera rapidement dans la mise en commun, voire la communautarisation de nouvelles compétences. Ce pourrait être le cas en matière de police, de justice, de défense.


L’Euro-zone devrait gagner de nouveaux adhérents et la monnaie unique se renforcer dans le monde. En matière de politique étrangère, l’Union se montrera plus active et plus originale et interviendra partout dans le monde comme le porte-drapeau de l’Europe organisée. Elle ne craindra pas, alors, d’arborer ses couleurs !


 


b- Le triomphe du consommateur ?


 


Quelle sera la réalité de l’espace économique commun ?


Le marché intérieur progressera, notamment dans les secteurs où cela paraît aujourd’hui difficile.


Il pourrait être géré d’une manière nouvelle, par des agences plutôt que directement par la Commission européenne. Ainsi, la compétence de régulateur de la Commission pourrait être confiée à des organismes placés sous son contrôle ou, plus sûrement totalement indépendants. Cela pourrait être le cas pour la politique de concurrence, où la Commission est déjà accusée, notamment pas les grandes firmes américaines d’être « juge et partie ». La récente décision de la Cour de Justice ordonnant, pour la première fois, l’indemnisation de Schneider, victime d’une mauvaise appréciation par la Commission des règles de concurrence, qui l’ont obligé à renoncer à sa fusion avec Legrand, justifie que soient pensées d’autres procédures qui pourraient d’ailleurs se développer dans d’autres domaines : Commission de régulation de l’énergie, des télécoms, de la télévision, institutions déontologiques européennes, des Autorités indépendantes pourraient voir le jour. En matière de brevets c’est déjà le cas puisque l’Office européen des Brevets ne relève pas des institutions européennes, en matière de médicaments et dans nombre de secteurs, la voie est tracée. Avec le développement des politiques communes, la Commission ne peut plus concentrer tous les pouvoirs de gardienne des traités.


 


Le rôle du Parlement européen et de la Cour de justice prendrait alors une importance considérable puisque ce seraient les seules institutions susceptibles de contrôler ou d’apprécier les décisions de ces instances.


Il ne s’agirait là que d’une évolution normale, traduisant la démocratisation de l’Union et l’intervention désormais rendue possible des citoyens européens dans les travaux communautaires. Le droit de pétition en est la première expression.


Le point de vue du citoyen, c’est-à-dire aussi celui du consommateur, pourrait être l’un des moteurs de l’achèvement du marché intérieur. Un exemple vient d’en être donné avec la présentation par la Commission, le 5 juillet 2007, d’une Charte européenne des droits des consommateurs d’énergie. Le marché unique devrait être réalisé dans les services, notamment financiers. Une nouvelle définition des services publics, plus axée sur le citoyen, permettrait alors des avancées qui ne semblent pas possibles aujourd’hui.


La compétition mondiale devrait accélérer la prise de décisions européennes qui paraissent aujourd’hui impossibles. Une fois encore, l’unification de l’Europe se fera sous la pression de la nécessité.


 


c- U.E. – U.S.A : nouvelle alliance ?


 


Quelle relation transatlantique ?




Dans cette compétition, le système le plus proche de l’Union, le plus lié à elle par les intérêts économiques et financiers, est le système américain.


La relation transatlantique s’est beaucoup développée et les intérêts croisés sont considérables. Trouveront-ils une expression commune sur la scène mondiale ?


C’est plus que probable si l’on examine les menaces qui pèsent sur le modèle européen comme sur le modèle américain.


Que ce soit pour la propriété intellectuelle, les règles de marché, les droits sociaux ou les concepts démocratiques, les intérêts sont les mêmes sur les deux rives de l’Atlantique. Avec l’émergence de l’Asie et de l’Amérique latine, avec les enjeux africains qui s’annoncent, les deux parties n’ont d’autre choix que de se rapprocher dans des domaines techniques (normes),  financiers (règles), mais aussi politiques et diplomatiques.


Ce sont les raisons pour lesquelles on peut imaginer, une fois l’actuelle administration américaine renouvelée, un nouveau dialogue transatlantique revivifié, accéléré, repensé. Il sera concret mais aussi politique.


Il devra s’agir de retrouvailles durables et cela pourrait constituer, pour les relations internationales, un événement majeur.


 


d- Un bilan positif ?


 


Est-il possible de faire un bilan de l’Union européenne  à la veille de l’année 2030 ?


Son plus grand succès sera sa survie et son développement, la poursuite d’une œuvre entreprise il y a déjà 80 ans.


Fondée sur l’espérance de paix, elle aura, comme aujourd’hui, atteint ses objectifs. Mais elle les aura largement dépassés en développant une influence considérable sur les affaires du monde.


Son modèle social sera le plus envié. Son unité politique, loin d’être parfaite, constituera un exemple qui sera fréquemment copié sur tous les continents.


Sa politique environnementale sera la norme mondiale et ses standards sociaux s’imposeront comme des exemples à atteindre.


Son droit sera vraisemblablement l’arme la plus efficace qui diffusera le modèle européen dans tous les domaines.


Les nouvelles politiques communes auront fait leurs preuves, notamment en matière énergétique et de défense où l’armée européenne aura dépassé les espérances de ses fondateurs.


 


Son échec demeurera le maintien des échéances politiques nationales, que les Etats membres n’auront jamais voulu réellement harmoniser et qui détermineront toujours le climat et les soubresauts de la décision politique européenne, largement explicable par l’absence d’un véritable espace public européen. Pour l’efficacité et la rapidité de décision, l’Union aura toujours un temps de retard tant que ses Etats membres raisonneront, avec des critères anciens, en termes de souveraineté.


L’Union européenne, désormais étendue aux Balkans occidentaux, mais qui aura refusé l’adhésion à ses institutions politiques de la Turquie, de l’Ukraine et de la Biélorussie, tout en leur ayant offert une union douanière véritable, poursuivra sa quête d’unité politique en continuant à donner une image plus rassérénée dans un monde déstabilisé par l’émergence de nouveaux Etats-continents. Un monde de ressources rares, comme elles l’ont toujours été, un monde dur et conflictuel, comme il l’a toujours été, un monde où les Etats émergents découvriront que le développement économique ne peut être durable en l’absence d’évolutions politiques et de Démocratie.


Dans ce contexte, sa situation continuera à être enviable.