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Defence and Diplomacy: What Next For Europe?

Allocution de Jean-Dominique Giuliani à l'European Business School, Institute of Contemporary European Studies, Jean Monnet Memorial Lecture

Je mesure l’honneur qui m’est fait de m’adresser à vous ce soir, invité de la prestigieuse European Business School. Vous avez fait une exception remarquable en demandant à un Français de venir parler de défense et de politique étrangère. Peut-être est-ce du à mes racines corses et je le prends alors comme un hommage au souvenir napoléonien !

Ce n’est pourtant qu’en qualité plus modeste de président de la Fondation européenne Robert Schuman que je voudrais vous livrer quelques réflexions avant d’en débattre avec vous.



L’Union européenne est un miracle.



Elle a réussi à bannir du continent européen, ruiné par la Seconde Guerre mondiale, toute idée de conflit. Elle l’a conduit en 60 ans à un niveau de prospérité impensable en 1945. Aujourd’hui elle est la 1ère zone de production de richesses dans le monde, puisqu’elle représente 22,6% du PIB et 42% du commerce.

Elle l’a fait selon une méthode unique, consistant à créer tellement de solidarités concrètes entre ses membres qu’ils ont davantage intérêt à coopérer qu’à s’affronter.

Ce pari lancé en 1950 a réussi. Le Royaume-Uni l’a combattu, puis rejoint, enfin presque puisqu’il tient à garder sa spécificité tant qu’il le peut avant de céder, chaque fois, à la raison. Avant tout le monde, je tiens donc, ici, à Londres, à être le premier à vous souhaiter la plus cordiale bienvenue dans l’Euro quand vous ne pourrez plus faire autrement !



Je reconnais qu’une telle aventure est sans précédent historique. Elle est unique.

Le miracle peut-il durer ? Cela dépend évidemment de la sagesse des dirigeants européens. Seront-ils visionnaires et courageux ou suivront-ils la pente naturelle de la facilité, démon tentateur éternel de la politique ? Je pense que la construction européenne est irréversible parce qu’elle a amené à nos peuples ce qu’ils désiraient profondément, la paix et la prospérité et créé tant d’intérêts communs entre les pays de l’Union qu’il existe désormais un intérêt européen spécifique.



C’est celui-là que je voudrais examiner avec vous à travers les problématiques de défense et de politique étrangère.

En effet, pendant 60 ans la priorité était d’abolir entre nous les frontières, de promouvoir la liberté de circulation des biens, des hommes et des capitaux. C’est largement accompli même s’ils reste encore du travail pour achever ce grand marché unique de 497 millions d’habitants, le plus important dans le monde par le pouvoir d’achat.

Désormais, l’Europe est interpellée par le monde. La globalisation l’interroge chaque jour. Puisqu’elle n’est pas un Etat mais une union volontaire d’Etats souverains, elle ne dispose pas des attributs étatiques qui lui permettraient d’agir ou de réagir à l’image des grands Etats continents qui structurent le monde multipolaire. Sa sécurité est remise en cause par de nouvelles menaces et la crise économique et financière montre combien l’Europe doit désormais s’interroger sur sa place et son rôle dans le monde. Si elle relève ce nouveau défi, elle peut franchir une étape décisive.

Je voudrais donc articuler mon propos en trois questions posées à propos de la défense et de la politique étrangère de l’Europe:



What is at stake ? Quels sont les enjeux en cause ?



What are the challenges ? Quels sont les défis lancés à l’Europe ?



What is possible ? Qu’est-il possible d’envisager ?





Les enjeux



Dans les années qui viennent, l’Union joue sa place et son rôle dans le monde.

Ce dernier, pour sa part, a besoin du message de l’Europe.



L’union de l’Europe s’est faite par l’économie. Mais dès l’origine, il était prévu que l’objectif était de créer une union politique.

De fait, les Etats membres de l’Union partagent certaines de leurs prérogatives souveraines sur un mode fédéral, parce qu’ils estiment être plus efficaces ensemble que seuls. C’est le cas pour la politique agricoles, la politique commerciale, les transports et la monnaie pour ceux qui partagent l’Euro. Dans le monde globalisé, la taille compte et la taille pertinente c’est celle du continent. Mais le transfert de compétentes étatiques au niveau européen n’a pas concerné jusqu’ici les domaines de la défense et la politique étrangère qui sont gérées sur le mode la coopération interétatique. Celle-ci est lente : il est difficile de tout décider à 27 et à l’unanimité. Le rythme du monde est plus rapide que celui de la concertation. C’est pour cela que le Traité de Lisbonne franchit de nouvelles étapes pour permettre de décider à quelques uns et de décider plus efficacement au niveau européen dans de nouveaux domaines. Si l’Union européenne est capable de mettre en commun ses efforts de défense et de politique étrangère, elle devient de facto un acteur mondial puissant. Elle franchit un seuil politique qui  lui permet de peser au niveau de son poids économique. 



Union pacifique, construite sur le contraire de l’esprit impérial, l’Europe est attendue dans le monde avec ses valeurs garanties par le droit. Guantanamo n’aurait pas pu exister en Europe ! Les 200 conventions conclues dans le cadre du Conseil de l’Europe ajoutées au droit positif de l’Union, constituent ce qu’on fait de mieux dans le monde en matière de protection des droits individuels et collectifs. Ses valeurs généreuses et attirantes sont à l’opposé de l’unilatéralisme et prônent le multilatéralisme qui devrait accompagne la multipolarité du monde. L’Union démontre tous les jours qu’elle a apporté une réponse respectueuse des identités à l’affaiblissement de l’Etat-nation et au nationalisme. C’est pour cela qu’elle est la seule à pouvoir intervenir dans certains conflits. Le monde a besoin de l’Europe. Son Soft Power est le plus développé. Ses politiques d’élargissement et de voisinage, l’aide au développement qu’elle distribue -plus de 50% de l’aide mondiale- en font l’une des puissances qui comptent.





Les défis





L’Union européenne doit répondre aux menaces sur sa sécurité.

Son organisation en matière de défense doit être accélérée.



A l’heure de la sécurité globale, l’Europe, riche continent, est défiée de toutes parts.

Ce n’est à pas Londres que je dois convaincre de la réalité de la menace terroriste. Elle est réelle. Elle doit être combattue par une coopération renforcée entre les Etats et des outils européens communs.

La grande criminalité a parfaitement su s’affranchir du cadre national. Elle est désormais continentale voire transcontinentale. Elle prospère plus vite que les échanges. Des narcotrafiquants ont été signalés en Somalie aux côtés des pirates. Des mafias sont actives dans les attaques informatiques récentes. Des gangs internationaux sont à la tête des trafics d’êtres humains, de drogue et d’armes, jusque sur le territoire européen. La grande criminalité met en cause notre sécurité et constitue une menace nouvelle contre laquelle nous sommes contraints, de plus en plus, d’utiliser des moyens militaires.

En outre, la crise économique met en évidence la nécessité de lier notre défense européenne et notre politique étrangère à nos intérêts économiques, en tenant compte aussi des impératifs d’environnement que le réchauffement climatique nous impose.

Les réponses à ces menaces mêlent le militaire et le civil, les forces armées, la police et la justice. Malgré les efforts engagés, beaucoup reste encore à faire parce que l’ordre intérieur relève de la souveraineté étatique et qu’il est difficile de le partager. Je note néanmoins de grands efforts réalisés dans ce domaine avec les accords de Schengen, signés par 25 pays européens (dont trois ne sont pas membres de l’Union), les accords de Prüm facilitant les échanges d’information sur les  terroristes et le mandat d’arrêt européen.



Enfin,  des menaces plus traditionnelles demeurent que nous aurions tort d’ignorer, comme un Iran nucléaire, la Corée du Nord ou l’Afrique toujours instable. Contrairement aux idées reçues, les besoins purement militaires existent encore. Nous ne devons pas baisser la garde et la dissuasion nucléaire reste justifiée tant qu’un seul Etat dans le monde en est doté. La prolifération nucléaire est d’ailleurs un sujet de préoccupation supplémentaire. La course engagée pour les ressources naturelles nécessite de conserver un outil militaire puissant, capable de dissuader, et projetable pour moduler nos réponses selon les circonstances.





L’organisation de la défense européenne est marquée par l’histoire.



Les dépenses militaires européennes ne représentent que la moitié des dépenses militaires des Etats-Unis. Partout dans le monde, les budgets de défense s’accroissent. Ils ont désormais dépassé le niveau qu’ils avaient atteint  à la fin de la guerre froide et s’élèvent officiellement à plus de 1 400 milliards $ soit plus de 2,5% du PIB mondial . A l’exception du Royaume-Uni et de la France, les Etats membres ne participent pas autant que nécessaire à l’effort de défense de l’Europe et consacrent moins de 2% de leur richesse à la défense. Ils s’en remettent à d’autres, longtemps aux Etats-Unis, puis à l’OTAN. Certains sont mêmes des « clandestins de la défense européenne » et continuer de diminuer leur budget.



L’OTAN joue, depuis 1949, un rôle déterminant dans la défense de l’Europe. Elle a gagné la guerre froide et préservé le continent de conflits majeurs. Elle a contribué à l’interopérabilité des armées européennes. Son élargissement aux nouvelles démocraties d’Europe centrale et orientale a jusqu’ici stabilisé les situations aux frontières de l’Europe. Mais elle n’a pas permis de régler les « conflits gelés », comme on l’a vu en Géorgie à l’été 2008, comme on le constate encore en Transnistrie ou au Nagorny Karabakh, ni d’apporter de solution politique à des différends anciens comme à Chypre ou en Mer Egée.



Enfin les institutions de l’Union européenne s’occupent de défense depuis les traités de Maastricht en 1992 et d’Amsterdam en 1999, mais surtout depuis l’initiative lancée à Saint-Malo en 1998 par le Premier ministre britannique et le président français. Tirant les leçons des guerres balkaniques des années 90, ils ont voulu faire naître une « identité européenne de défense », afin de lui donner les moyens d’agir sur le territoire européen.

L’Europe de la Défense existe donc. Elle s’est organisée autour des missions de maintien de la paix et de police internationale, par exemple dans les Balkans. Puis s’est impliquée dans des opérations internationales de caractère humanitaire ou politique comme au Tchad ou au Congo, voire dans des actions de sécurisation plus opérationnelles comme aujourd’hui l’opération maritime Atalante au large de la Somalie, placée sous commandement britannique. 12 opérations extérieures ont été initiées et conduites par l’Union.

Elle dispose d’un Etat-major et d’une stratégie, élaborée en 2003 et révisée en décembre 2008. Elle s’est fixé des objectifs de capacités, qui doivent lui permettre de déployer 60 000 hommes en 60 jours pour une opération majeure et de conduire simultanément plusieurs opérations d’urgence, d’évacuation, de stabilisation, voire de réponse rapide. Les questions de défense et de politique étrangère relèvent du Conseil de l’Union, c’est-à-dire de l’institution qui représente les Etats au sein de laquelle les décisions se prennent à l’unanimité. L’Europe est donc limitée dans ses capacités d’action. C’est la raison pour laquelle le Traité de Lisbonne prévoit la possibilité de créer entre les Etats qui le souhaitent une Europe de la défense à la carte, avec au moins 9 Etats membres et que le même texte renforce considérablement les moyens des institutions européennes en matière de politique étrangère.

L’Europe de la défense avance à son rythme, c’est-à-dire forcément lent et progressif, alors que le monde accélère. Relèvera-t-elle le défi à temps ? Les nécessités pousseront-elles les Etats à avancer plus vite vers une défense et une politique étrangère européennes plus intégrées ? C’est ce que je voudrais rapidement examiner maintenant.





Le possible et le souhaitable



L’ordre mondial se transforme. L’émergence de nouvelles puissances démographiques et économiques à la taille de continents, comme la Chine, l’Inde, le Brésil, ont déjà et vont encore modifier considérablement le paysage des relations internationales. L’Europe représentait 15% de la population mondiale au sortir de la Guerre, plus que 6% aujourd’hui et seulement 3% en 2050. Dans le monde multipolaire, l’Europe peut préserver son modèle et trouver un vrai rôle si elle s’unit davantage. Il y a urgence.

Désormais il existe un intérêt européen propre qui doit nous conduire à ne plus nous contenter de notre traditionnel Soft Power mais à se penser comme une véritable puissance dans le monde.



Les intérêts européens sont spécifiques.

Nous recherchons la sécurité et la stabilité pour nos Etats et nos peuples. Nous ne sommes pas en mesure de les garantir seuls tant les interdépendances font partie de ce monde nouveau. La grande question qui se pose immédiatement est donc celle de nos alliances et donc de notre relation avec les Etats-Unis.

Jusqu’ici, ils assuraient la sécurité du continent européen et leur dominance mondiale nous permettait d’être des alliés dociles voire muets. Or, la guerre en Irak a montré que les visions du monde pouvaient être différentes, vues de Washington ou d’Europe. Cela doit faire réfléchir tout dirigeant européen responsable.

Nos intérêts ne sont pas toujours les mêmes que ceux des Etats-Unis qui restent nos alliés privilégiés.

C’est évident à nos frontières. Comment stabiliser durablement le continent sans une relation normalisée avec la Russie, quoi qu’il nous en coûte de traiter avec un pays non-démocratique et de plus en plus inattendu ? Je ne pense pas seulement à nos intérêts énergétiques, mais aussi à nos intérêts politiques et culturels. Où la Russie de Poutine va-t-elle terminer sa course erratique ? Vers la démocratie ou dans le totalitarisme retrouvé ? Notre intérêt est de l’attirer vers la démocratie pas de la rejeter dans le camp adverse. L’Europe est la mieux placée pour cela parce qu’elle est sa voisine.

Il en va de même de certains de nos intérêts plus lointains, en Méditerranée, en Afrique, en Asie, en Amérique latine. Il y a un intérêt européen propre qui n’est pas toujours le même que celui de l’Amérique. 



Nous avons le droit de défendre notre modèle et nos intérêts avec nos méthodes. Notre vision de la politique internationale, peut-être trop idéaliste, nous l’avons apprise de notre propre histoire. Elle nous a conduits à refuser le concept de l’Empire. Les expériences séculaires de l’Europe nous conduisent, par exemple à nous méfier du seul usage de la force.

Mais elles conduisent aussi à une vision particulière de la guerre moderne. Le général Petraeus enseigne d’ailleurs à ses officiers les théories de contre-insurrection du colonel français Galula et met en pratique en Afghanistan des concepts nouveaux : Nous ne ramènerons le calme en Afghanistan qu’avec le soutien de la population locale, c’est-à-dire en nous installant au milieu d’elle et en réconciliant durablement les clans qui s’y affrontent. Winston Churchill avait dit : « les Américains choisissent toujours la meilleure solution…après avoir essayé toutes les autres » ! Cet adage s’applique à la situation afghane et je pense que nous y réussirons.



Pour autant, le Soft Power européen ne saurait suffire à garantir et promouvoir nos intérêts dans le monde. Il a jusqu’ici été très efficace, permettant le retour, depuis 1957, de 181 millions d’Européens à un régime démocratique et a irradié sur son voisinage par une politique généreuse de stabilisation, d’accords politiques et commerciaux, et de promesses d’adhésion. L’Europe a exporté ses normes, juridiques, technologiques et politiques, jusqu’à un niveau inégalé avec le simple usage de la conviction, de la séduction et du droit. L’Union européenne ne doit pas se contenter d’être un « global payer » ; elle doit devenir un « global player ». Car le monde est trop dangereux pour se contenter des idées, des aides et de la règle. Il impose aussi de disposer de la force, ne serait-ce que pour ne pas avoir à s’en servir. « Si vis pacem para bellum »…

Les Américains semblent prendre leurs distances avec le Hard Power, le pouvoir de la force dans les relations internationales et Hilary Clinton, lors de son audition au Sénat, a développé le concept de Smart Power, le pouvoir intelligent qui combine l’usage de la force et de la conviction. Nous devons faire exactement le chemin inverse et doter notre pouvoir de séduction d’une crédibilité militaire!

Nos partenaires les plus difficiles, comme la Russie ou la Chine, n’aiment pas cette idée. Ils préfèrent nettement une « Europe molle » leur permettant de continuer à traiter avec chacun des Etats, à les diviser pour obtenir de meilleures conditions. Lorsque le président Sarkozy s’est rendu à Moscou pour négocier l’arrêt de l’avancée des troupes russes vers Tbilissi au mois d’août 2008, les tréteaux de la conférence de presse étaient déjà prêts, avec des drapeaux russes et français. Il a fait remplacer ces derniers par des drapeaux européens, puisqu’il était le président en exercice de l’Europe. Les Russes n’ont pas aimé! Une Europe plus unie n’est pas forcément une bonne nouvelle pour tout le monde, parce qu’elle est plus puissante que ce qu’elle pense elle-même ! Cela devrait suffire à convaincre les plus eurosceptiques !



Le Traité de Lisbonne donne à l’Union européenne des institutions plus visibles, un président du conseil stable, un ministre des affaires étrangères et un service diplomatique commun, un cadre juridique pour développer concrètement l’Europe de la défense à quelques uns. C’est une avancée importante. Dans le même temps se constituent progressivement des capacités communes : une flotte de transport militaire mutualisée, une filière d’enseignement commun pour nos officiers, le partage de nos satellites.

La nouvelle posture française envers l’Otan traduit cette volonté d’aller de l’avant en valorisant ce que l’Otan apporte et en rendant la PESC complémentaire de l’Alliance. L’Otan ne serait pas acceptée  pour des missions en Afrique ou dans le Caucase, alors que les missions de l’Union nous permettent d’y être. Dans les eaux somaliennes, c’est l’Otan qui supporte l’Union, pour la 1ère fois. L’OTAN demeure un pilier fondamental de notre sécurité, mais elle ne saurait suffire.

Par ailleurs, les deux seules puissances nucléaires européennes, le Royaume-Uni et la France, concourent, qu’on le veuille ou non à la sécurité globale du continent. La France, de ce point de vue, a fait des déclarations claires, sous le président Chirac comme avec Nicolas Sarkozy : il est évident que nos intérêts vitaux sont liés à ceux de nos partenaires européens.

Nos deux pays ont une responsabilité particulière dans les progrès de l’Europe de la défense et les accords conclus lors de la visite d’Etat du président français en 2008 traduisent leur rapprochement.

Celui-ci est un élément majeur des évolutions à venir. Dans la question iranienne, l’Europe est présente grâce au poids de nos deux pays et à l’engagement allemand. Pour les questions globales, l’Europe compte déjà dans la résolution des crises internationales ou dans l’approche de grandes questions mondiales comme le réchauffement climatique. Vue de France, cette volonté de peser existe. Le président Sarkozy l’a démontré pendant sa brillante présidence du Conseil de l’Union européenne, en incarnant une volonté européenne de se penser enfin en puissance. C’est donc possible.



Cette volonté ne fait pas toujours l’unanimité au sein de l’Union car son histoire à l’Est comme à l’Ouest pèse lourd. Elle a guéri les peuples des aventures militaires, mais elle les a aussi désarmés. Mais ce n’est pas insurmontable car rien n’interdit aux Etats qui le souhaitent d’avancer à quelques uns vers une véritable identité européenne sur la scène internationale. L’expérience prouve qu’ils entraînent les autres.



L’Union peut progresser, à son rythme, mais cela exige des révisions profondes.

Il faudra définir des frontières, même provisoires, pour renforcer l’unité politique de l’Europe et l’adhésion des peuples. Cela nécessitera vraisemblablement d’arrêter l’élargissement sans fin de l’Europe. Il faudra accepter des capacités militaires communes, capables, un jour d’être engagées avec un seul chef pour un mandat clair et irrévocable. Il faudra faire valoir nos intérêts économiques et commerciaux pour peser sur un monde qui, sinon, nous échappera.

Pour cela, je suis bien conscient qu’il faut une vision du monde claire, une vision de l’Europe pragmatique mais volontaire. Dès qu’on se place à l’échelle du monde, il y a une unité européenne, il y a des frontières évidentes de l’Europe, il y a des valeurs européennes qui s’appellent désormais la paix et le dialogue. L’Europe a des cœurs qui s’appellent Londres, Berlin, Paris et aucun diplomate ne peut les lui contester !



Mais voila que comme tout Français, je me laisse entraîner par la passion que vous nous connaissez. Je sais qu’elle plait aux Britanniques qu’elle fait sourire, comme plait aux Français votre réalisme. Finalement nous sommes également amoureux de nos pays. C’est la raison pour laquelle, en ce qui me concerne, je suis tellement européen.