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La seconde chance de l’Union européenne

[Cet éditorial est également disponible en ukrainien.]

La première moitié du XXème siècle a été pour les Européens celle des guerres et des désastres. La seconde a été celle de la reconstruction par la paix et la stabilité.

La construction européenne a permis aux Etats membres de retrouver la prospérité que leurs errements auraient pu leur interdire. Le continent est pacifié, riche et son modèle démocratique et solidaire est envié. Les Pères fondateurs n’avaient jamais imaginé une telle réussite de leurs intuitions. La tâche interne a réussi.

De nouveaux défis lui sont lancés ; ils sont externes, vitaux et existentiels.

Il en va de sa sécurité qu’elle a négligée et confiée, pour une très large part, à ses alliés. Désormais elle a des ennemis et des rivaux. Une puissance voisine a déclaré la guerre à son modèle et à ses valeurs. D’autres les contestent ailleurs dans le monde.

Les révolutions numériques et écologiques bouleversent tous les processus de production, de commercialisation et de communication et les conséquences qu’elles entraînent risquent de déstabiliser l’ensemble de nos sociétés. Désormais les pandémies sont mondiales et les interdépendances entre continents exigent de choisir nos dépendances pour préserver notre autonomie de décision.

La taille compte, l’Union européenne, avec ses inachèvements et ses promesses l’a acquise. Mais elle n’est pas une puissance unifiée à l’heure du retour des Etats. Elle n’est pas un Etat et est donc handicapée dans sa réponse à des défis nouveaux par leur ampleur.

Plutôt que de rechercher à réagir aux mesures prises par d’autres, par exemple le plan de soutien américain à la conversion écologique, elle doit réfléchir à sa manière d’agir, qui doit être plus globale et plus prospective.

S’imposer des contraintes fortes et exemplaires en matière d’environnement, de devoir de vigilance, de respect des valeurs fait l’objet d’un consensus politique soutenu par les opinions publiques. Mais les mesures qui en découlent, taxonomie, interdictions, contraintes, doivent faire l’objet de compensations, d’adaptation et de progressivité au risque, sinon, d’attacher aux pieds de l’économie européenne des boulets qui la feront in fine régresser et condamner par les peuples. On connait notre inventivité à édicter des règles et des interdits, mais nous devons développer notre imagination à être plus efficaces dans les incitations à progresser.

C’est ce qui est sur la table du Conseil européen extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement du 9 février 2023.

Concilier la réponse à tous ces défis avec des politiques volontaristes renouvelées et novatrices n’est pas aisé car cela fait l’objet de divergences entre les Etats.

Cela représente en effet autant de politiques communes traditionnelles à revoir : Concurrence, aides d’Etat, dettes, déficits. Leur adaptation a commencé, mais trop lentement.

Garantir la sécurité exige des capacités militaires puissantes pour imposer le choix de la paix. C’est une révolution pour les Européens, qui va coûter cher. Il faut les y aider.

Une politique monétaire et budgétaire de croissance ne peut se contenter de seules disciplines nationales ; elle doit privilégier l’investissement et tenter de le dynamiser par des politiques communes généreuses et ouvertes.

Utiliser l’argent public au soutien de l’économie au moyen d’un Buy European Act, c’est tout simplement décider que l’argent public européen va en priorité à la modernisation de son économie, comme tous les Etats du monde.

Réussir à découvrir et maîtriser les technologies qui, demain, feront la différence entre les nations, impose de multiplier les opportunités, faciliter les prises de risque par des règlementations incitatives, abonder les soutiens financiers.

Répondre à l’exigence d’efficacité, c’est le faire ensemble dans des politiques communes et non chacun de son côté. Réussir à additionner les potentiels européens, c’est dépasser le simple cadre de réponses nationales. C’est accepter d’emprunter et de dépenser en commun pour l’avenir et non pour préserver les habitudes.

Il y a 73 ans, les Européens ont accepté de saisir la chance de le faire ensemble. Ce fut un pari que les peuples ont validé. Plus rien ne ressemble au contexte de cette époque. Une nouvelle phase s’est ouverte qui exige un sursaut, c’est-à-dire de l’audace.

Pour saisir cette seconde chance de rester dans la course géopolitique, technologique, économique, sociale, l’Union européenne doit accepter d’adapter ses politiques qui ont réussi dans le passé mais qui ne sauraient répondre en l’état à la situation présente.

Elle en a tous les atouts. Elle doit en avoir la volonté. Les citoyens la soutiendront.


 


 

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