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L’Europe saura-t-elle garder ses frontières ?

La libre circulation à l’intérieur de l’espace Schengen exige que les frontières extérieures soient bien gardées. Pour cela, sur proposition de la Commission Juncker, un Corps européen de garde-frontières et de garde-côtes a été créé. Composé d’effectifs venant des Etats membres, mais aussi de personnels recrutés directement par l’agence Frontex, travaillant sous uniforme européen, il va bientôt être armé.

Sa mission est, en effet, d’aider les Etats responsables d’une frontière extérieure européenne à la protéger et la défendre. Ils se sont entendus en 2019 pour la renforcer et accroître ses moyens.

Or, cette perspective ne fait pas l’affaire de certains de nos voisins, comme la Turquie, qui multiplie les incursions, les provocations et les violations de sa frontière avec la Grèce, où 800 agents de l’agence ont déjà été appelés en renfort.

Elle semble aussi en affoler certains, au Parlement européen ou au sein de la Commission européenne. D’aucuns auraient préféré une Société européenne de sauvetage en mer à une véritable force de police aux frontières. Pourtant celle-ci est nécessaire pour mieux combattre le terrorisme, maîtriser les trafics, lutter contre les ingérences, mais aussi l’immigration illégale, c’est-à-dire en fait protéger le vrai droit d’asile.

Aussi Frontex fait-elle l’objet depuis quelques semaines d’une campagne de mise en cause qui a tout l’air d’être concertée. Dénonciations, accusations non prouvées, suspicions sournoisement répandues, sont destinées à introduire le doute sur la capacité de l’Union à exister dans ce domaine.

Attaqué de fort mauvaise foi sur plusieurs fronts, le Corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, une coopération intergouvernementale inespérée, est en fait la seule chance d’une politique migratoire commune. Pour être mise en œuvre, celle-ci doit d’abord être acceptée et cogérée par les Etats membres avant de connaître les développements que permettront ses succès. Encadrée par des règles juridiques strictes quant au respect des droits de l’Homme, cette force de police peut crédibiliser la volonté européenne de sortir l’Union de la naïveté à laquelle l’incline sa générosité naturelle, en commençant à donner une existence concrète à ses frontières extérieures, qui déterminent largement son identité et le sentiment d’appartenance qui lui fait encore défaut. Elle lui offrira surtout ses premiers instruments quasi-étatiques pour agir efficacement dans son voisinage.

Mettre à mal ce projet sans discernement, c’est, une fois encore, s’en remettre aux autres pour gérer la sécurité du continent, c’est refuser une Europe forte et respectée au nom de valeurs qu’ainsi on affaiblit. Ceux qui s’y prêtent au nom de bons sentiments feraient mieux d’y réfléchir à deux fois avant de porter atteinte à cette réelle avancée européenne.

 

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