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Non, il ne faut pas « refonder l’Europe »!

Ce qu’elle a de plus solide, ce sont ses fondations!

L’idée s’est imposée que l’Union fait la force et que la souveraineté, pour être effective, doit s’appuyer sur la coopération avec ceux qui nous sont les plus proches. Mais les attentes sont fortes envers une construction, facilement désignée comme responsable de tous nos maux.

Dans toutes les démocraties sont remises en cause des certitudes du siècle dernier. Nous avons changé d’époque, la science et les technologies vont vite, très vite; la mondialisation est un fait; nous sommes en train de préparer un futur incertain dans un brouillard épais. Les problématiques ont changé, les solutions aussi. Aux interrogations légitimes, il va falloir répondre clairement.

Si la « maison Europe » est encore solide, son image, son toit, sont réellement dégradés et son apparence est peu amène. Quatre des « piliers » de la construction européenne sont ainsi directement attaqués.

La libéralisation à tout prix des services et de la production est aujourd’hui questionnée partout. Par exemple en Europe, sans des sociétés publiques, le réseau électrique aurait déjà connu un « black out » et l’électricité serait bien plus chère. Le libre-échange, qui a dopé le commerce international, la croissance et l’emploi, est systématiquement remis en cause au nom d’un frileux réflexe de repli qui frappe toutes les sociétés. La libre circulation des personnes, pourtant corollaire évident d’échanges libérés, est devenue le bouc émissaire des populismes, souvent sa cause, devant l’accroissement considérable des migrations, qui ne va pas se ralentir. 250 millions de personnes dans le monde sont des migrants, 65 millions de personnes déplacées cherchent un havre où s’établir. 25 millions de réfugiés fuient leur pays. Enfin les politiques économiques traditionnelles sont contestées parce qu’elles ne parviennent pas à garantir une forte croissance et leur rigueur est violemment attaquée au nom de recettes passées.

Des « murs de soutènement » de la maison Europe sont aussi ébranlés. La solidarité entre les Etats membres, naturelle ou imposée, est affaiblie. L’Europe se divise sous la poussée des égoïsmes, du Brexit à la Pologne, en passant pas la Hongrie. Chacun agit dans son coin en invoquant les frontières, devenues le symbole du repli national et de la souveraineté, alors qu’elles ne protègent même plus « un petit chez soi ». La sécurité de l’Europe était considérée comme acquise, sous parapluie américain et sans efforts. Elle est désormais menacée, à l’intérieur par le terrorisme, à l’extérieur par des conflits qui se rapprochent, au loin là où certains ont tant de mal à comprendre que nos intérêts sont en cause.

Ces six interpellations doivent trouver des réponses que les élites hésitent à donner tant elles vont à rebours d’un laxisme de la pensée, qui tient à la fois de la mode et de l’opinion supposée de la majorité. Ce n’est pourtant qu’en acceptant d’en débattre, avec des moyens modernes, que les démocraties seront en mesure de les surmonter. Nul n’est à l’abri, ni les Etats-Unis qui viennent de le démontrer dans une campagne électorale inédite, ni les démocraties émergentes, déstabilisées comme le Brésil, ni bien sûr la riche et prospère Europe.

Il ne sert donc à rien de « jeter le bébé avec l’eau du bain », de remettre en cause l’Europe et d’appeler à sa «refondation». Il est bien plus utile de chercher à l’adapter aux nouvelles réalités mondiales, d’en réformer certaines politiques, de la faire vivre avec ce qu’elle nous apporte, d’en faire évidemment la pédagogie, c’est-à-dire de l’assumer comme l’une des meilleures répliques que nous avons trouvées aux exigences de la deuxième partie du XXème siècle et d’imaginer nos réponses pour la première partie du XXIème, ce que nous ne savons toujours pas faire. Puissent les échéances électorales et politiques de 2017 dans plusieurs Etats du continent, permettre à de nouveaux leaders de le faire. C’est cela qu’attendent les citoyens.

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