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09 avril 2024

Dans le cadre d'une série de seminaires citoyens organisée par Frédéric Petit, Député des Français établis en Allemagne, Europe centrale et Balkans, Jean-Dominique Giuliani tiendra une conférence en ligne sur le sujet des grands défis auxquels l'Union européeenne fait face en vue des élections européennes.

France-Allemagne, l'entente indispensable

Tout nouveau pouvoir, en Allemagne comme en France, se demande pourquoi rester en tête-à-tête, dans le dialogue privilégié d'un couple unique que forment les deux pays sur la scène européenne. Jacques Chirac, Gerhard Schröder, Nicolas Sarkozy, ont feint ainsi, un moment, de regarder vers Londres. François Hollande, toujours en période électorale, espère modifier les positions allemandes avec l'aide des autres Etats membres, voire des institutions communes. En vain. A chaque fois c'est au sein du couple franco-allemand que se préparent les décisions européennes. Pourquoi?

Mécaniquement, il ne peut pas y avoir de majorité au Conseil européen si la France et l'Allemagne ne sont pas dans le même camp. Elles entraînent avec elles des partenaires qui ont la même vision, voire les mêmes intérêts.

Les deux pays les plus peuplés de l'Union réprésentent près de la moitié de l'économie continentale européenne et 47% des 394 milliards d'euros de fonds de secours offerts en garantie à la Grèce, l'Irlande et le Portugal (27% pour l'Allemagne, 20% pour la France). En matière financière, rien n'est possible si les deux pays ne sont pas d'accord, notamment pour faire face aux urgences. Leurs influences et leurs capacités d'action sont, par ailleurs, souvent complémentaires dans nombre de domaines.

Est-ce pour autant que la France et l'Allemagne forment un directoire en Europe?

Non, car leurs positions sont rarement identiques et ce n'est qu'après d'intenses discussions qu'un compromis peut être trouvé, généralement proche de ce qui est acceptable par tous les membres de l'Union. A cette fin avaient été décidé, en 2001, dans la petite ville alsacienne de Blaesheim, que les deux pays se rencontreraient systématiquement avant tout Conseil européen, c'est-à-dire toutes les 6 ou 8 semaines. Il faut revenir à cette règle.

Car il ne servirait à rien, pour la France, d'isoler une Allemagne qui incarnerait "l'austérité" en lui faisant porter la responsabilité du refus d'une politique trop traditionnelle de relance par la dépense. Elle n'est pas seule en Europe à estimer qu'il ne saurait y avoir d'emprunts européens s'ajoutant aux emprunts nationaux (Eurobonds) sans une politique budgétaire et fiscale commune, ou au moins coordonnée. Le Conseil européen informel du 23 mai l'a montré. De même qu'il ne servirait à rien d'ignorer l'espoir porté par la France d'une politique européenne plus proche des attentes des citoyens des Etats en difficulté. On ne fera rien sans eux, sauf à encourager les populistes de droite et de gauche.

Les débats préparatoires au Conseil européen des 28 et 29 juin font resurgir des oppositions bien dangereuses. Il y a, en France un sentiment faux d'avoir concédé à l'Allemagne de strictes règles budgétaires, alors que depuis 10 ans on a cédé à la facilité. En Allemagne, puisqu'on l'a expérimentée avec succès, on estime que la rigueur est le seul remède applicable à tous les maux.

Les tensions franco-allemandes actuelles démontrent combien les deux partenaires ont divergé ces dernières années et combien ils feraient mieux, gouvernements, parlements, société civile, de discuter davantage de leurs différences, économiques, budgétaires, énergétiques, environnementales, diplomatiques et de défense, plutôt que de camper dans les incantations.

Les deux Etats ont trop longtemps considérée comme acquise une entente privilégiée nécessaire à la construction européenne. Il y a évidemment une dimension émotionnelle dans le franco-allemand. Comment pourrait-il en être autrement entre deux Etats qui se sont tant affrontés avant de choisir la raison de la coopération? Mais elle ne suffit plus à alimenter en carburant le moteur d'une Europe devenue largement incapable de décider. Ce sont donc les intérêts nationaux qu'il faut encore rapprocher. Un nouveau traité en 2013, 50 ans après celui de l'Elysée, devrait, cette fois-ci, aller plus loin et entrer dans les détails d'une vision partagée de l'avenir européen. Cela nécessite beaucoup plus de travail que de postures politiques.

Pour le futur de l'Europe, il n'y a pas d'alternative, ni à l'Est ni au Sud. L'entente franco-allemande doit toujours être un préalable parce qu'elle est indispensable.

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