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portrait

La troisième vie de la construction européenne

[Cet édito est également disponible en ukrainien.]

Ne nous y trompons pas, nous vivons une nouvelle phase de l’histoire européenne.

Pendant que le continent se relevait du Second conflit mondial, puis assistait à la chute du Mur et de l’URSS pour enfin faire face au retour de la guerre du fait de la Russie, l’Union européenne se transformait.

Sa première vie, celle des années 50, fut celle du pari fou des Pères fondateurs.

La seconde fut celle de la réalisation d’un espace sans frontières.

Nous sommes déjà entrés dans la troisième ère de l’Union européenne, celle du parachèvement géopolitique.

Cette dernière nécessite de revisiter beaucoup de nos outils européens pour répondre à 4 interpellations majeures, qui exigent des réponses fortes et urgentes.

La problématique démocratique est celle du défi de l’efficacité des politiques publiques et de leur perception par les opinions. Il ne sert à rien d’élaborer de belles politiques si les citoyens ne les soutiennent pas et que le discours populiste, avec ses outrances et ses mensonges, peut les discréditer en quelques phrases.

La problématique économique : Sur fond de désastre démographique, le décrochage économique par rapport aux deux grands Etats-continents que sont les Etats-Unis et la Chine oblige à rompre avec les politiques budgétaires et monétaires traditionnelles. Les transitions exigent des prises de risques, des investissements mobilisant d’énormes capitaux et, peut-être, de s’endetter pour la croissance.

Une problématique quasi-philosophique taraude les Européens : Ils préfèrent la règlementation et la contrainte à la liberté et l’incitation. Ce travers des Etats membres se retrouve amplifié à Bruxelles et Strasbourg. Or aucune des inventions majeures du XIXème ou du XXème siècle – dont l’Europe peut d’ailleurs être fière – n’a résulté d’une norme. Elles sont nées du génie d’une personne, d’une équipe ou d’une entreprise, jamais d’une règle. La croissance de demain, y compris la réussite des transitions numériques et environnementales, viendra d’inventions que seul l’esprit humain, libéré des contraintes, peut imaginer. Certes leur développement nécessitera ensuite des politiques de soutien. Mais à la règle il faut préférer l’accompagnement et l’incitation. Avant de réguler, il faut imaginer, fabriquer et produire.

Enfin la problématique sécuritaire risque d’occulter toutes les autres. L’Europe doit d’urgence réapprendre à se défendre et à dépenser pour sa défense. Cela va nécessiter d’énormes efforts qui vont amputer les moyens consacrés à un confort devenu habitude, un mode de vie parmi les plus protégés et agréables du monde. Le dire ne suffira pas à convaincre mais la peur du retour des conflits et de leur cortège de misères pourrait y pousser.

Tels sont les enjeux auxquels les Européens, et donc leurs institutions communes comme leurs Etats nationaux, doivent faire face.

Pour les affronter, il leur faut imaginer de nouveaux moyens, de nouvelles politiques qui, tout en ne reniant rien des réussites passées, acceptent de prendre en compte la réalité du nouveau monde.

Ces changements ont timidement commencé au cours de la mandature européenne qui s’achève. Ils vont s’accélérer et la dimension européenne sera plus indispensable que jamais. C’est l’objet des contributions des plus hautes autorités européennes au Rapport Schuman 2024 sur l’Europe –l’état de l’Union - qui paraît cette semaine. Une édition exceptionnelle par son contenu et la qualité de ses auteurs, résolument tournée vers l’avenir.

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