fr en de
portrait

"Plus d'Europe, oui mais comment?"

Discours prononcé à Berlin le 12 juin 2012

  

 


1 - Pour marquer mon engagement et vous inciter à la fidélité envers une certaine conception de l’Europe, diverse et unie dans laquelle nous devrions chacun parler notre langue et nous comprendre, je m’exprimerai en allemand, que je comprends mieux que je ne le parle.


C’est un premier message. Si l’Europe court après le modèle financier anglo-américain qui a généré la crise, elle n’en sortira pas. Son économie est solide, moins « virtuelle » que l’économie financière. Elle doit en valoriser les atouts et ne pas se contenter d’imiter la City !


 


J’en ai deux autres, qui concernent l’urgence actuelle et le plus long terme.


 


2 – L’urgence : L’Union européenne fonctionne mal. Dans la crise, les institutions communes ont déçu. Elles ne se sont pas montrées efficaces. Elles n’ont pas compris les enjeux démocratiques et n’ont pas su s’adresser aux Européens. Elles se contentent de parler aux gouvernements, avec un langage technique et exclusivement punitif. Elles ont failli.


L’urgence c’est de retrouver la confiance à l’extérieur de l’Union, sur les marchés financiers, mais aussi à l’intérieur, par un espoir offert aux citoyens.


Des erreurs ont été commises, y compris par les gouvernements :


-         Faire contribuer les banques à la restructuration de la dette grecque a inquiété les investisseurs. Je crois qu’on l’a compris désormais, même en Allemagne.


-         La lenteur des décisions a coûté, certainement, plus cher qu’un sauvetage immédiat.


-         La violation des disciplines et la difficulté d’en élaborer de nouvelles à 27, ont créé l’incertitude.


 


Il faut donc, d’urgence, mettre fin au mouvement de renationalisation en cours qui risque de menacer tout l’édifice européen. Beaucoup d’audace est nécessaire.


Pour stopper la spirale de la défiance, il faut affirmer clairement que l’Euro survivra à la crise actuelle, quelles que soient les mesures qu’il faudra prendre, qu’elles soient monétaires et engagent la Banque centrale, qu’elles soient financières et engagent nos Parlements, qu’elles soient juridiques et concernent la gestion des fonds européens. Ceux-ci mériteraient d’être administrés autrement. Il faut décider à quelques uns, comme la France et l’Allemagne l’ont fait pour l’impôt sur les sociétés, d’aller plus loin et très vite vers plus d’intégration.


Il faut donner à l’Union une perspective politique claire, qui n’est pas possible à 27 et pour donner de la crédibilité à ces déclarations, je suggère une seconde idée, très concrète.


 


3 – Pour le plus long terme : Sur une base franco-allemande ouverte à une « coalition de volontaires », au sein de laquelle je suis sûr qu’il y aura au moins l’Italie, en dehors des traités et des procédures diplomatiques, il faut élaborer une feuille de route politique qui fixe, pour tous, une vision de l’Europe, partagée par « un noyau dur », en acceptant une Europe à plusieurs vitesses. Personne n’en est exclu ; tout le monde peut la rejoindre à condition d’accepter de discuter de :


 



  • la fiscalité commune, ou au moins le rapprochement des fiscalités en tenant compte des situations de chacun et notamment des plus récents adhérents ;

  • le gouvernement économique et budgétaire de l’Euro avec des règles de discipline renforcées et le contrôle des dépenses publiques nationales. Cela exige la création d’un Trésor européen et d’un ministre du Trésor, qui puisse œuvrer avec une Banque centrale « libérée » de tout procès d’intention.

  • le contrôle démocratique de ces décisions. S’il le faut, à quelques uns, nous pouvons l’organiser en dehors des institutions européennes, en attendant l’élection au suffrage direct du président de la Commission et la correction de la représentativité du Parlement européen.


 


Le simple fait d’annoncer que nous travaillons à un tel plan d’intégration aurait déjà une influence sur les prêteurs extérieurs. Cela nous permettrait, en outre, de lancer le débat au sein de nos Etats. Nous y comptons tous des idéologues qui nous empêchent d’agir.


Il y a toujours en France des fans de la dépense publique ; il y a encore en Italie des ennemis d’un Etat fort ; il y a toujours en Allemagne des partisans de l’indépendance totale de la Banque centrale, qui font des cauchemars avec une inflation qui n’existe pas.


Tous ceux-là, qui freinent nos gouvernements pour des raisons électorales, doivent être confrontés à nos peuples, qui ne les suivent pas encore de manière majoritaire.


 


On me dira que je suis un idéaliste. Mais qui aurait pu dire il y a 5 ans que l’Allemagne et ses partenaires renfloueraient la Grèce contrairement aux règles des traités ? Qui aurait pu dire que la BCE mettrait en œuvre une politique de Quantitave Easing ? Qui aurait pu penser que la France signerait le Fiscal compact ? Et qui aurait pu imaginer que l’Italie réformerait ainsi son marché du travail ? Tout cela s’est fait sous la contrainte. Ce dont nous manquons le plus ce sont de décisions volontaires de long terme, mûrement réfléchies en commun et non de réactions face à l’urgence qui ne satisfont personne.