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Comprendre le Conseil européen du 18 octobre 2007 et le traité réformateur

Article paru dans la Lettre de la Fondation et publié sur le site de la Fondation Robert Schuman (www.robert-schuman.eu)

Article paru dans la Lettre de la Fondation et publié sur le site de la Fondation Robert Schuman (www.robert-schuman.eu)







Résumé
:




Le Conseil Européen, réuni à Lisbonne les 18 et 19 octobre derniers, a adopté le projet de Traité réformateur modifiant le Traité sur l’Union européenne et le Traité instituant  la Communauté européenne. Le texte suivant présente le contenu de ce nouveau Traité : le traité de Lisbonne.


 




Introduction 
 




Le 23 juillet s’est ouverte la Conférence intergouvernementale chargée de rédiger un nouveau traité remplaçant le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe.


Celle-ci n’ayant pas été ratifiée par l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne, les 27 Chefs d’Etat et de gouvernement, réunis en Conseil européen au mois de juin dernier sous la présidence de l’Allemagne qui en avait reçu mandat un an auparavant, ont décidé de rédiger, d’ici la fin de l’année, un Traité réformateur, modifiant les précédents traités européens, et qui remplacerait le projet de Constitution. Ce traité doit être soumis à une ratification, dans chacun des Etats membres, avant 2009.


 


Le Conseil européen est parvenu à donner un mandat précis à la Conférence intergouvernementale (CIG) qui avait pour tache de formaliser l’accord politique auquel il a abouti.


La Conférence intergouvernementale a mis en forme sur le plan juridique le texte d’un traité modificatif du Traité d’Union européenne (TUE) et du Traité sur la Communauté européenne (TCE), ce dernier étant désormais remplacé par un Traité sur le fonctionnement de l’Union (TFU). Ce texte se substitue à celui, unique de la Constitution, désormais appelé « CIG de 2004 ».


Des protocoles seront annexés au traité modificatif.


 




1 - Un traité modeste mais permettant de sortir de l’impasse institutionnelle.


 


Pour tenir compte de la ratification de la Constitution par 18 Etats membres représentant 54% de la population européenne, son rejet par 2 et sa non ratification par 7, il fallait à la fois s’accorder sur les principales modifications institutionnelles qu’elle contenait et montrer que le Conseil prenait en compte les inquiétudes exprimées par deux référendums négatifs (France, Pays-Bas) et trois gouvernements (Royaume-Uni, Pologne, République tchèque).


Le mandat de négociation assigné à la Conférence intergouvernementale est donc le résultat d’un compromis politique laborieux.


Le nouveau traité se caractérise par l’adoption de l’essentiel des réformes institutionnelles contenues dans la Constitution et, pour les autres dispositions, par des réserves et des précautions qui marquent un retrait certain de l’enthousiasme européen bien qu’elles ne devraient pas comporter de vraies conséquences juridiques.


Le Royaume-Uni profite de cette occasion pour se mettre en retrait de certaines politiques communes actuelles ou à venir.


Les Polonais et les Tchèques ont obtenu l’abandon des symboles de l’Union (drapeau, hymne, devise) qui, à leurs yeux, laissaient entrevoir la constitution, à terme, d’un Etat européen et, avec d’autres (Lituanie), une clause de solidarité dans le domaine énergétique en cas de « graves problèmes d’approvisionnement ».


La France a fait disparaître, parmi les objectifs de l’Union (article I-3 de la Constitution), la création d’un « marché où la concurrence est libre et non faussée », même si la politique de concurrence reste un moyen de parvenir à un véritable marché intérieur.


Un protocole sur les services publics est annexé au traité.


 


Toutes les innovations de la Constitution n’ont pas été reprises par le traité réformateur, mais on y retrouve néanmoins les principales réformes institutionnelles :


 


- Un président du Conseil désigné pour deux ans et demi, renouvelables une fois,

- Un Haut Représentant pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, qui disposera des prérogatives du ministre des Affaires étrangères de l’Union et sera vice-président de la Commission européenne

- La double majorité pour les décisions au Conseil des ministres à partir de 2014,

- La réduction de 27 à 18 du nombre des commissaires européens à partir de 2014,

- L’accroissement des pouvoirs du Parlement européen grâce à l´introduction de la procédure générale de codécision en matière législative,

- Le contrôle renforcé de la subsidiarité par les parlements nationaux qui interviendront désormais dans la procédure législative européenne,

- Le caractère contraignant de la Charte des droits fondamentaux dans tous les Etats membres sauf le Royaume-Uni et la Pologne.

-  L´initiative populaire, à travers le droit de pétition.

- La politique de lutte contre les changements climatiques, liée à la politique de l’énergie, fait pour la première fois son entrée dans les traités européens.


 


Cet accord a été conclu au prix de concessions importantes aux Britanniques et aux gouvernements les plus eurosceptiques.


Les premières se traduisent par des clauses « d’opting-out » concernant la coopération en matière policière et judiciaire et l’applicabilité des articles de la Charte des droits fondamentaux.


Les secondes concernent l’entrée en vigueur de la nouvelle pondération des voix au Conseil pour l’application de la majorité qualifiée (2014 avec possibilité de prolonger jusqu’en 2017) et les symboles de l’Union (hymne, drapeau, devise).


De manière générale, des garanties sont apportées aux gouvernements eurosceptiques tout au long du texte du mandat par des interprétations restrictives, voire des précisions destinées à empêcher tout « empiètement » de compétences de l’Union sur les prérogatives des Etats.


 


Par ailleurs, des modifications de forme, sans réelle portée juridique, ont été apportées, à l’initiative des deux Etats ayant rejeté la Constitution. Outre l’introduction de déclarations rappelant la nécessité pour l’Union de protéger ses citoyens, la suppression de l’objectif de constituer « un marché intérieur dans lequel la concurrence est libre et non faussée » a entraîné nombre de commentaires, notamment Outre-Manche. Pour la Commissaire européenne à la concurrence, Neelie Kroes, cette modification n’entraîne pas de conséquences juridiques. Elle montre  pourtant une volonté politique de peser sur la Commission afin qu’elle assouplisse sa politique de concurrence.


 


De manière générale,  ce texte permet de sortir de la crise suscitée par les votes négatifs en France et aux Pays-Bas au printemps 2005 en offrant des garanties à ceux des Etats qui auraient bien voulu reprendre leur signature donnée à Rome le 29 octobre 2004. Il est donc moins ambitieux dans les termes et la forme. Il se contente de modifier les traités existants. Il ne marque pas une rupture avec les traités antérieurs qu’il modifie et complète.


 




2 - Nature et contenu du traité « réformateur ».


 




Le principe du nouveau traité repose sur l’incorporation dans le Traité sur l’Union européenne et le Traité instituant la Communauté européenne (qui devient traité sur le fonctionnement de l’Union) des innovations de la CIG qui s’est tenue en 2004, c’est-à-dire du texte de la Constitution tel qu’il a été présenté aux référendums en France et aux Pays-Bas. Cette inclusion est l’occasion de modifications notables.


 


Sont ainsi désormais inclus dans le traité réformateur :


 


- Une plus stricte définition des compétences respectives de l’Union et des Etats membres : l’Union douanière, le commerce, la concurrence, la politique monétaire demeurent des compétences exclusives de l’Union ; la politique sociale, l’énergie, le marché intérieur, la recherche restent des compétences partagées avec les Etats,

- La spécificité de la politique étrangère et de sécurité commune, avec notamment la création du poste de Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et l’inscr1ption dans le traité du caractère intergouvernemental de la PESC,

- L’intervention et le contrôle des Parlements nationaux, avec un allongement des délais pour l’examen d’un texte qui passe de six à huit semaines et un contrôle renforcé du principe de subsidiarité (les parlements nationaux pourront demander à la Commission de revoir une proposition s’ils estiment qu’elle empiète sur leurs domaines de compétences),

- La coopération policière et judiciaire en matière pénale, maintenue malgré les dispositions d’opting-out pour les britanniques,

Le traité facilite le recours aux coopérations renforcées pour les Etats qui veulent avancer plus vite que d’autres dans des domaines où la règle de l’unanimité continue de s’appliquer, tels que la fiscalité ou la politique étrangère.

- La Charte des Droits fondamentaux n’est pas incluse dans le traité, mais un article lui conférera une valeur juridiquement contraignante, en définissant son champ d’application (exceptions britannique et polonaise)


 


 


 a– Modifications du Traité sur l’Union européenne (TUE):




 


Les valeurs sur lesquelles repose l’Union sont incluses dans les préambules et les premiers articles.


Est rappelé le principe de la compétence d’attribution de l’Union, avec plusieurs précisions quant au respect des compétences des Etats membres.


Une nouvelle procédure est instaurée permettant aux parlements nationaux de renforcer leurs prérogatives face aux institutions de l’Union.


Le Conseil européen devient une institution de l’Union.


Les règles de vote à la majorité qualifiée sont modifiées. Une majorité de 55% des Etats membres représentant au moins 65% de la population européenne, est nécessaire pour prendre une décision. Ces règles s’appliqueront en 2014 et, jusqu’en 2017, un Etat membre peut demander de voter selon les règles actuelles. En outre, jusqu’en 2017, 75% des Etats membres ou des Etats membres représentant 75% de la population de l’Union peuvent invoquer le « compromis de Ioannina », c’est-à-dire saisir le Conseil, « qui fait tout ce qui est en son pouvoir ….pour répondre aux préoccupations soulevées… ». Après 2017, ce compromis demeure en vigueur avec des pourcentages d’Etats et de population abaissés à 55%. La Pologne a obtenu que le « compromis de Ioannina », inscrit dans un protocole annexé au Traité, ait donc un poids juridique accru.


Les règles de coopération renforcées prévues par la Constitution sont incluses dans le traité et il faudra rassembler 9 Etats membres pour qu’elles soient possibles.


La politique étrangère et de sécurité commune fait l’objet de règles et de procédures particulières. Elle n’est donc pas « communautarisée ».


L’Union acquiert la personnalité juridique, avec la fusion des trois piliers (politiques communautaires, PESC et coopération judiciaire et policière).


Une procédure de retrait volontaire de l’Union est instituée.


Les conditions requises pour demander son adhésion à l’Union sont inscrites dans les traités et complétées par les critères « fixés par le Conseil » (Copenhague modifié).


Le nombre de députés européens a été définitivement fixé à 750 au lieu de 785 précédemment. Cette nouvelle répartition sera celle qui prévaudra donc pour les prochaines élections européennes de 2009. L’Italie a obtenu un siège supplémentaire par rapport à la proposition de répartition des sièges émise et adoptée par le  Parlement européen le 11 octobre dernier (rapport Lamassoure-Severin).


 




b– Modification du Traité instituant la Communauté européenne


 


Il devient Traité sur le Fonctionnement de l’Union (TFU)


Les innovations de la Constitution sont incluses dans le traité sous formes de modifications ponctuelles : les domaines et les catégories de compétences de l’Union (compétences exclusives, partagées, d’appui, de coordination ou de complément) sont précisés et élargis, notamment à l’espace, l’énergie, la protection civile, le sport, le tourisme, la santé publique, les régions ultrapériphériques, la coopération administrative, la gouvernance de l’Euro, l’espace de liberté, de justice et de sécurité, les ressources propres. Le champ d’application de la majorité qualifiée est élargi à plus de 40 domaines, ainsi que celui de la procédure de codécision. Le Parlement européen se trouve ainsi fortement renforcé.


Des modifications sont apportées par rapport au texte constitutionnel.


Elles concernent :


 


L’ajout d’une clause de solidarité énergétique en cas de graves difficultés d’approvisionnement,

La lutte contre les changements climatiques,

Les actes juridiques de l’Union restent les mêmes qu’aujourd’hui. Il n’y aura donc pas de « lois européennes » ou de « lois-cadres européennes ».


Un protocole sur les services publics est ajouté :


 


Protocole sur les services d'intérêt général




Les hautes parties contractantes, Souhaitant souligner l'importance des services d'intérêt général, Sont convenues des dispositions interprétatives ci-après, qui seront annexées au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union:




Article premier


 


Les valeurs communes de l'Union concernant les services d'intérêt économique général au sens de l'article 14 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne comprennent notamment:

- le rôle essentiel et la grande marge de manœuvre des autorités

nationales, régionales et locales dans la fourniture, la mise en service et l'organisation des services d'intérêt économique général d'une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs;

- la diversité des services d'intérêt économique général et les disparités qui peuvent exister au niveau des besoins et des préférences des utilisateurs en raison de situations géographiques, sociales ou culturelles différentes;

- un niveau élevé de qualité, de sécurité et d'accessibilité, l'égalité de traitement et la promotion de l'accès universel et des droits des

utilisateurs;


 


Article deux


 


Les dispositions des traités ne portent en aucune manière atteinte à la compétence des États membres relative à la fourniture, à la mise en service et à l'organisation de services non économiques d'intérêt général.


 




Les protocoles prévus par la Constitution seront modifiés (10 d’entre eux sont supprimés). Celui concernant Euratom est conservé mais pas dans les mêmes termes.


 


La Conférence intergouvernementale a rédigé ce traité en vérifiant les correspondances juridiques, les renvois et l’architecture des deux seuls traités qui deviennent les principaux fondements juridiques des actions et des institutions de l’Union.


Le texte final n’y gagne pas en clarté. La nécessité de doter l’Union de fondements juridiques plus compréhensibles par les non spécialistes, demeure une exigence pour l’avenir. Elle est renvoyée à une date lointaine. Si on peut le regretter, il n’en faut pas moins se féliciter d’être sortis de la crise institutionnelle actuelle.


 


Cette situation doit permettre d’envisager quelques évolutions de plus long terme pour l’Union et ses politiques.


 


La signature officielle du Traité réformateur par les Chefs d’Etat et de gouvernement est prévue le 13 décembre 2007 à Lisbonne.


 


Le texte sera ensuite soumis à ratification dans chaque Etat membre avant les élections européennes de juin 2009.


 


Pour les détails techniques et les protocoles :


http://www.consilium.europa.eu/showPage.asp?id=1317&lang=fr&mode=g